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mercredi 29 mai 2024

Vincent ALMENDROS « Sous la menace »

 


Le narrateur, Quentin, 14 ans, vient d’être renvoyé de son école jusqu’à sa prochaine convocation au conseil de discipline de l’établissement. Son père est mort dans un accident de voiture six ans auparavant. Depuis sa mère est atteinte d’anxiété, a les nerfs en pelote. Ce week-end là, la famille reçoit la visite de la jeune cousine Chloé, 11 ans. C’est l’occasion de faire la traditionnelle visite aux grands-parents.

Là-bas, un autre monde s’offre à eux : grand-père Alzheimer, plus un vieux perroquet. D’ailleurs le récit est parsemé d’animaux, vivants ou morts : fourmis volantes, chat, cheval, poisson, hibou, alors que la canicule fait rage. Quentin est un ado solitaire et acnéique, moqué et rejeté par ses petits camarades de classe. Il souffre de cet isolement. Son renvoi de l’école a d’ailleurs été provoqué par une bagarre qu’il a eu avec un jeune de sa classe qui s’est moqué de son physique. Il échange avec sa cousine Chloé, quand tout à coup cette dernière l’informe d’un élément crucial sur l’accident mortel de son père, qui va tout faire basculer.

« Sous la menace » est un roman extrêmement, diablement, j’allais écrire obsessionnellement Simenonien. Tous les éléments y sont présents : atmosphère gluante, poisseuse, rôle de la météo, personnages taiseux, portant leur passé (ou leur oubli concernant le grand-père), leur passif, relations distanciées, presque de circonstance, politesse de courtoisie. Comme chez Simenon, l’énigme est maigre, tout le sel vient de la narration, des détails, de la recherche d’imposer un univers sombre et collant, cinématographique. Un mensonge par omission de la mère vient épaissir la sauce de manière flagrante : « À présent que je savais qu’elle m’avait menti durant toutes ces années, elle ne me faisait plus peur. Face à elle, je me sentais même protégé par une forme d’immunité ». La mère, femme simenonienne, elle aussi, cruelle et autoritaire. Ici en rôle de surveillante, épiant chaque fait et geste des membres de la famille, comme une tour de contrôle inoxydable.

Ce roman bref et intimiste a pourtant le temps de percuter, il est difficile de s’en dessaisir une fois le nez plongé dedans. Il se lit d’un trait, avec un intérêt croissant car il sait faire durer le suspense. Voilà un roman parfait : court, haletant, bâti dans un univers à la « Monsieur tout le monde », donc aisément accessible. Paru début 2024 aux éditions de Minuit, il renouvelle brillamment le genre un peu éculé des Jean-Philippe Toussaint ou autre Yves Ravey chez le même éditeur, il lui donne une peau neuve.

http://www.leseditionsdeminuit.fr/

(Warren Bismuth)

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