Bienvenue chez les ripoux ! Panteuil, banlieue parisienne en 2005. Les flics font la loi chez les prostituées alors que Doche et Isabelle Lefèvre entament le même jour leur carrière de gardiens de la paix. Mais nous faisons aussi connaissance avec toute la brigade ainsi qu’avec la commissaire Le Muir, femme déterminée et un poil arrogante, dont le chauffeur est un certain Pasquini qui, lui, roule pour l’extrême droite. C’est d’ailleurs un sport en vogue dans la police où se retrouvent pas mal d’anciens collaborateurs ou sympathisants de partis ou groupuscules fascistes.
La police de Panteuil c’est aussi le machisme, les agressions quasi gratuites et les bavures, notamment cette intervention trop musclée en pleine ville après un supposé vol de téléphone portable perpétré par un maghrébin. L’affaire aura des suites et l’ambiance est électrique. Parallèlement le stagiaire Doche découvre l’existence d’un garage servant au maquillage de grosses cylindrées, voitures que le commun des mortels ne risque pas de se payer.
Dans cette banlieue chaude, un squat de maliens prend feu. Bilan : quinze morts. Officiellement il s’agit d’un règlement de compte entre dealers, mais qu’en est-il au juste ? La ville s’embrase sur fond de trafic de cocaïne.
Dans un style fluide, direct et vigoureux, Dominique Manotti met patiemment en place ses personnages tout en les faisant évoluer en direct sur le terrain. Un terrain brûlant où l’on ne sait plus bien qui sont les bons et les méchants, qui sont les flics et les caïds, tout devient poreux et brumeux. Les flics se prennent pour des cowboys et abusent des intimidations, les caïds connaissent les règles et les respectent une fois en face des forces de l’ordre. Quant à nos deux stagiaires, ils hallucinent, ils ne s’attendaient pas à être témoins de telles scènes où les pourris ne sont peut-être pas ceux que l’on croit.
Polar classique urbain, avec ses putes, ses macs, ses trafiquants de drogue, ses immigrés clandestins et squatteurs, ses flics jouant double jeu et abusant largement de leur position dominante, « Bien connu des services de police » ne fait pas dans la nouveauté, ne s’embarrasse pas de rebondissements. Dominique Manotti déroule une situation comme en direct, ne garde aucun tabou pour elle. Son engagement se ressent à chaque page. Elle déterre également des dates historiques de la police française et ses accointances avec l’extrême droite, car ce polar est aussi l’histoire d’un rapprochement : celle d’une partie de la police avec le Front National.
« Il était entré dans la police comme gardien de la paix en 1980, il a été de toutes les aventures de l’extrême droite policière, depuis la manifestation de 1982, pour le rétablissement de la peine de mort et le droit de tirer sans sommations, jusqu’aux équipées des groupes paramilitaires du FN, spécialistes de l’infiltration, de la provocation, du maniement des armes et des explosifs ». Le roman dénonce aussi l’abus de pouvoir, notamment celui de la commissaire le Muir, certaine de son invulnérabilité, arriviste ambivalente amatrice de caméras journalistiques.
Un polar qui n’est pas violent dans les scènes, dont le sang n’éclabousse pas chaque page, un polar sans grosse enquête de fond, plutôt témoin d’un temps, roman psychologique et en grande partie documentaire, provoquant une certaine sudation (« sudatif » n’existant visiblement pas dans le dictionnaire). Livre chroniqué dans le cadre des 80 ans de la Série Noire de chez Gallimard chez qui il est paru en 2010.
(Warren Bismuth)
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