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mercredi 16 octobre 2024

Geneviève BRISAC « Anna Akhmatova, portrait »

 


Cette biographie à a fois condensée et ample de la poétesse Anna Akhmatova (1889-1966) est un petit miracle. Rares sont les moments où la vie d’un écrivain russe est retracée aussi sobrement, sans discours lénifiants, sans superlatifs ni surenchères. Le travail documenté de Geneviève Brisac est impressionnant par ce recul en même temps que cette précision horlogère.

Née en 1889 en Ukraine, Anna Akhmatova connut dès l’enfance un parcours fait de tragédies, de morts des proches, a elle-même failli mourir d’une maladie à 10 ans. C’est là qu’elle a composé ses premiers poèmes. Elle est encore jeune lorsqu’elle rencontre le peintre Amedeo Modigliani (qui lui aussi ne va pas tarder à mourir) à Paris, ils deviendront amis. Puis les premières publications à un peu plus de 20 ans. Et premiers succès littéraires. Un peu avant la première guerre mondiale.

Il est troublant que la plupart de ses bouleversements personnels coïncident avec de forts bouleversements historiques. Ainsi Anna Akhmatova divorce de son premier mari juste après la révolution russe de 1917. Puis 1921, la Russie affamée d’un côté, Blok son ami poète mort de l’autre, sans oublier l’assassinat de Goumiliov son premier mari et le divorce d’avec son second. Akhmatova est alors interdite de publication et même d’écriture dans son propre pays. Elle ne pourra republier que des décennies plus tard. Sur ce, viennent les grandes purges staliniennes qui prennent place à partir de 1934.

Les tragédies d’écrivains d’envergure vont se succéder : Maïakovski suicidé en 1930, Ossip Mandelstam – un très proche – arrêté pour un poème contre Staline en 1934 (il meurt en décembre 1938 dans un camp de transit pour la sinistrement célèbre Kolyma), Pilniak assassiné en 1938, Tsvétaïeva suicidée en 1941 après 17 ans d’exil (les deux femmes ne venaient que de se rencontrer pour la première fois), etc.

Dès 1936 Anna Akhmatova a repris « l’écriture », du moins la création de poèmes par la pensée, poèmes qu’elle apprend par cœur car elle a interdiction de laisser toute trace écrite de son travail. Elle rencontre Lydia Tchoukovskaïa qui deviendra son amie, mais avec laquelle elle se brouillera ensuite. Lydia et une autre amie, Nadejda Mandelstam, veuve du poète, apprennent ses poèmes par cœur pour pouvoir les réciter plus tard. « Elle se sent menacée de folie. Elle l’est vraiment. On ne dit pas souvent les maux physiques et psychiques de la dictature, de la terreur. Elle est tellement impuissante à faire libérer son fils. Et lui, au loin, il s’imagine que si elle ne le fait pas revenir, c’est par indifférence et égoïsme. Comme sa grand-mère le lui a dit quand il était un petit garçon ». Car l’histoire familiale, intime, rejoint la tragédie nationale. La deuxième guerre mondiale éclate, commence le siège de Leningrad. Son fils est libéré de prison, mais la poétesse subit une suite d’infarctus. Elle est usée, à 50 ans.

Dans cet ouvrage fourmillant d’anecdotes de la vie littéraire russe du XXe siècle, on peut voir les forts liens que Akhmatova entretient avec certains des poids lourds de son époque, dont Boris Pasternak. Geneviève Brisac en profite pour rappeler « l’affaire du Docteur Jivago », suite à la divulgation du roman qui va faire couler tellement d’encre que Pasternak refuse le Prix Nobel de littérature en 1958.

La littérature est d’ailleurs à l’honneur dans cette épatante biographie. Des extraits de poèmes rendant hommage à Anna Akhmatova, écrits par Nikolaï Goumiliov son premier mari, mais aussi par Ossip et Nadejda Mandelstam, Marina Tsvétaïeva ou encore Varlam  Chalamov, tandis que Geneviève Brisac, au-delà de sa remarquable érudition, n’oublie pas les extraits de poèmes de Anna, des œuvres autobiographiques, des instantanés où toute la douleur de la poétesse éclate.

Le portrait de Anna Akhmatova est saisissant, cette aristocrate de 1,78 mètre, adulée puis rejetée, cette grande dame qui perd peu à peu tous ses appuis par les décès successifs de ses proches et confidents, comme si la mort se fichait d’elle. Cette femme qui a connu tant d’hommes qui tous ont affronté un destin tragique, qui est restée debout, comment, par quelle force ? Celle dont les intimes sont morts suicidés ou exécutés pour raisons politiques, a toujours refusé de s’exiler, au contraire de nombreux écrivains de l’époque, c’est ce qui en fait une figure à part de la littérature russe du XXe siècle. Celle dont l’influence majeure venait des lignes de Pouchkine, mort bêtement en duel. La mort, l’odeur de cadavres semble côtoyer l’âme de la poétesse.

La mort, et le totalitarisme. « … elle se rend compte qu’elle fait l’objet d’une surveillance accrue, si une telle chose est possible : on installe des micros chez elle en son absence, il y a de nouveaux petits trous dans son plafond, et des miettes de plâtre en tombent. D’étranges individus aux mines patibulaires montent la garde sous ses fenêtres. Ceux qu’elle appelle la « cour des miracles » - policiers en civil, mouchards variés – sont en ébullition ». Le 20 août 1946 Anna Akhmatova est exclue de l’Union des écrivains, privée de fait de revenus et de droit à la publication. Le dégel amorcé après la mort de Staline en 1953 a lieu trop tard et surtout est loin d’être complet. Akhmatova vieillit, exténuée par la douleur, la cruauté. Mais comme le rappelle Geneviève Brisac, « La littérature, est-ce autre chose que des ragots sublimés ? ». Anna Akhmatova s’éteint en 1966, après une vie de malheurs, de déchirements et d’interdictions. Tout ceci, le livre de Geneviève Brisac le raconte sans omettre les détails documentés. Cette biographie rend admirablement compte de ce que fut cette féministe au cœur du régime soviétique totalitaire. Sorti en 2024 aux éditions Seghers, souhaitons qu’il fasse date car son contenu le mérite amplement.

https://www.lisez.com/seghers/4

(Warren Bismuth)

dimanche 13 octobre 2024

Colin WINNETTE « Coyote »


Cette lecture a été faite dans le cadre de la semaine de la santé mentale. 

Etats-Unis, un drame. Un matin, au fin fond d’on ne sait vraiment quel bled, une petite fille de 3 ans, Dalilah n’est plus dans son lit. Malgré les recherches elle a disparu corps et âme. C’est la mère qui raconte. Le couple est ensuite invité sur les plateaux de télé pour demander à d’éventuels ravisseurs de leur rendre leur fille. La femme surtout parle, le mari a l’air absent. Il a brûlé toutes les photos sur lesquelles sa fille apparaît.

Puis le silence médiatique. La vie reprend. Bon gré mal gré, sans la fillette. La mère continue de narrer. Elle paraît bizarre la mère. Déjà, jamais elle n’évoque son mari ou son conjoint mais plutôt « Le père de ma fille », ainsi qu’un policier dont elle ne se souvient plus le nom. Les chapitres sont brefs, frappent, comme le couple qui a régulièrement recours à la bastonnade, la violence conjugale de part et d’autre. Les mots sont âpres, éructés sans filtre, semblent tout à coup extraits d’un esprit malade. La mère possède-t-elle toutes ses facultés ?

La petite fille ? Son prénom n’est mentionné qu’une fois, son caractère et ses habitudes consignés par petites touches dans d’épars chapitres d’une grande brièveté. Une fillette sans doute détraquée psychologiquement, si l’on en croit le portrait dressé. Quant au passé de la mère, on ne sait pas non plus grand-chose, si, peut-être ce « J’ai été infirmière pendant un temps, mais plus maintenant ». Infirmière ou patiente ?

Et cette enfant, a-t-elle été désirée ? N’a-t-elle pas, contrairement aux projections, contribué à la ruine du couple ? « Ce genre de calme est venu seulement après la disparition. Avant, on était trop angoissés, trop nouveaux l’un pour l’autre, et puis avec un enfant dans les pattes, c’est jamais calme. Tout le monde sait ça ».

Le père ? Il est rentré un soir avec un sanglier mort, il l’a dépecé, cuisiné. Un autre soir il est revenu avec un jeune chien, mort lui aussi. Les repères sont faussés, comme les sentiments, le vrai du plausible, le faux du fantasme. Car plus on entre dans l’univers de la mère, plus il nous paraît abstrait, anormal, impénétrable, incalculable. Peu à peu, on s’enfonce dans un monde de folie où la distinction entre le bien et le mal n’existe plus, subissant de plein fouet le monologue suffocant d’une femme dérangée.

Texte court autant que terriblement dérangeant. Ne vous attendez pas à trouver des réponses à des questions que vous pourrez vous poser dès l’entame de ce livre ? Au contraire, d’autres jailliront, toujours plus nombreuses, jusqu’au vertige au sein d’une spirale familiale infernale qui tourne en vase clos et sans aucune rationalité. Ce bref roman de l’étatsunien Colin Winnette est paru en 2017, il ne vous laissera pas en paix, même s’il laisse une légère impression d’inabouti.

 (Warren Bismuth)

mercredi 9 octobre 2024

Sasha DENISOVA « La Haye : Le procès de poutine »

 


Dans un futur indéterminé – et pour cause – les principaux dirigeants de la Fédération de Russie sont convoqués au tribunal international de La Haye pour crimes contre l’humanité après la fin de la guerre en Ukraine. Vladimir poutine (jamais dans cette pièce la majuscule sur son nom de famille n’aura sa place) doit être entendu ainsi que neuf de ses « lieutenants » militaires parmi lesquels Ramzan Kadyrov chef de la République tchétchène, le fantôme de Evguéni Prigojine chef de l’armée Wagner et « ressuscité » pour l’occasion (il est mort en août 2023 dans un « accident » d’avion), Sergueï Choïgou ministre de la défense de la Fédération de Russie, et quelques autres.

La Russie de poutine s’est construite sur la peur, la surenchère et bien sûr le mensonge. Dans cette pièce de théâtre politique et historique, les fake news ne manquent pas, déversées sans scrupules ni barrière ni pudeur. Ainsi cette déclaration de Nikolaï Patrouchev, chef du conseil de sécurité et ex-chef du FSB (ex-KGB) : « En Ukraine, tout près de la frontière russe, les Anglo-Saxons ont déployé un réseau de laboratoires biologiques américains pour répandre des virus parmi les citoyens russes par l’intermédiaire d’oiseaux migrateurs, en particulier les oies et les canards. Nous avons intercepté trois colverts mâles, tous les trois souffraient de fortes démangeaisons, nous avons trouvé un virus dangereux sur leurs plumes… Ce genre de migrateurs, en volant jusqu’en Russie, pourraient priver les militaires de la capacité de prendre des décisions… ».

Toue les accusés sont entendus, ils sont nombreux. Le ton pourrait être tragique, sombre, mais la plume de Sasha Denisova le rend drôle voire burlesque dans son absurdité. Usant de situations propres au théâtre russe, l’autrice manie l’humour pour ne pas sombrer, pour ne pas rendre le récit suffocant. Les intervenants se coupent la parole, s’affrontent, difficile pour eux d’assumer leurs actes monstrueux qui sont consignés dans cette pièce. Car derrière la légèreté de ton, c’est tout un minutieux travail que Sasha Denisova a effectué, se documentant au plus près de l’action et des déclarations. Les deux traducteurs Gilles Morel et Tania Moguilevskaïa précisent d’emblée : « Le corps de cette pièce chargée d’espoir est composé ou inspiré de prises de paroles publiques des protagonistes morts ou vifs désignés ; de documents écrits et d’images glanées dans les médias nationaux, sociaux, privés ». Sasha Denisova joue entre le fictif et le réel, entre la pièce documentaire et la farce sinistre. Les échanges sont dynamiques, et si le fond est dramatique, la forme sert justement à dépassionner l’ensemble. Et le coup est rudement bien joué.

Parmi les ennemis jurés du régime poutinien, la communauté LGBT que les dirigeants russes accusent d’agir contre l’intérêt du pays dans un procès parfois hors sol par les propos des principaux belligérants. Pourtant les faits sont graves : attaques sur les populations civiles, déportations d’enfants afin de les « russifier », accusation de nazisme envers le régime ukrainien souverain, tortures, etc.

Cette pièce imagine donc la suite. Après la guerre. Pour une condamnation des bourreaux à la mesure des horreurs commises. Elle porte l’espérance d’une justice impartiale, d’un futur juste, débarrassé des tortionnaires. Elle juge sur preuves dans un travail historique conséquent. Et bien sûr elle est à découvrir. Elle est sortie en 2024 aux solides éditions théâtrales Les Solitaires Intempestifs grâce aux bons soins d’une traduction au cordeau assurée par Gilles Morel et Tania Moguilevskaïa. Ne passez pas à côté. Quant à l’autrice, la talentueuse Sasha Denisova, Ukrainienne, elle a quitté Moscou le jour même de la déclaration de guerre du 22 février 2022 pour s’exiler en Pologne.

https://www.solitairesintempestifs.com/

 (Warren Bismuth)

dimanche 6 octobre 2024

Anca BENE « La nuit je rêverai de soleils »

 


Cette pièce de théâtre prenant divers tons est un tableau sans équivoque des 25 ans de la dictature communiste de Nicolae Ceauşescu, en tant que Secrétaire général du parti (à partir de 1965), agrémenté du poste de Président de la République (en 1974) jusqu’à son exécution fin 1989.

Le régime de Ceauşescu fut sans doute l’un des plus cruels de toute l’Europe du XXe siècle. C’est lui a lancé ce décret lunaire en 1966, exhortant les femmes roumaines à « produire » au moins cinq enfants dans un pays touché par la dénatalité. Autoproclamé le Génie des Carpates, il va ainsi contrôler le ventre des femmes durant plus de deux décennies. Ici le mot « production » pour un accouchement n’est pas déplacé puisqu’il y a obligation de procréer sous peine de lourdes sanctions. Le gouvernement roumain a monté une véritable industrie de l’Enfant, abandonnant les nouveaux-nés à leurs mères avant de les placer en « foyers », centres spécialisés découpés en trois catégories : normal, récupérable, irrécupérable. Nombre de ces enfants vont mourir, d’autres vont être vendus, à l’Occident notamment, créant ainsi un trafic hallucinant d’êtres humains dans un silence assourdissant de l’Europe.

« La nuit je rêverai de soleils » est en mois de 70 pages à la fois une enquête journalistique documentée, une fiction et un documentaire historique d’exception. L’autrice franco-roumaine déroule sa pièce comme autant de scènes différentes sur la forme mais complémentaires sur le fond, tandis que les années durant lesquelles défilent les faits sont inscrites sur un panneau sur scène. Du témoignage à l’article journalistique en passant par la poésie, plusieurs formats se percutent pour finalement s’assembler parfaitement.

Des témoignages personnels viennent enrichir et étoffer le contexte, avec notamment cette femme née en 1988 en Roumanie, qui y retourne une fois adulte pour retrouver sa mère biologique. D’autres racontent comment elles s’occupaient des enfants considérés comme orphelins, dans des conditions exécrables au sein d’orphelinats qui étaient plutôt des mouroirs. Tout sent la mort dans cette pièce, et pourtant le ton n’est jamais larmoyant, il est au contraire distancié, focalisé sur ce besoin d’informer sans rajouter de jeu lacrymal.

Les trafics sont montrés minutieusement, résumant toutes les étapes nécessaires à l’achat de « bûches » (qui sont en fait de jeunes enfants), où l’illégalité rejoint la sauvagerie et la barbarie. C’est tout un pan de la société Roumaine du XXe siècle ici dévoilé, décortiqué. Anca Bene livre un texte d’une grande force dans un exercice qui peut aisément être rapproché de celui de Svetlana Alexievitch, où le journalisme en quête de témoignages se mêle à un travail d’historienne de l’horrible. Il faudra attendre 1989 pour que la population proteste massivement (s’ensuivra la mort du tyran), 1990 pour que les médias étrangers s’intéressent à l’existence de ces « orphelinat de l’horreur ».

La préface, brillante également, de ce texte de langue française est signée Patrick Penot. « La nuit je rêverai de soleils » est paru récemment chez les éditions l’Espace d’un Instant » dans la toute nouvelle mais déjà formidable collection Sens interdits qui n’a rien à envier aux « Ecrits pour la parole » des éditions L’arche. Un éditeur, une collection, un texte à soutenir plus que jamais.

« À l’hôpital où tu as accouché, il y a beaucoup de bébés abandonnés par des mères seules et des couples qui n’ont pas les moyens de les élever. Enfants du décret. Fruits de l’âge d’or. On te fait comprendre que c’est bien, tu as fait ton devoir, mais que tu n’as pas besoin de t’en occuper par la suite. L’Etat s’en chargera. L’enfant n’appartient pas à la mère et le parti a fait construire des foyers où il sera accueilli et élevé pour devenir un bon citoyen. Tu laisses ton bébé. Tu apprendras plus tard qu’il fait partie de ceux que Ceauşescu a donnés en adoption à l’étranger. Un marché discret sous l’autorité du dictateur. Un circuit souterrain qui ne fait que commencer ». Et qui a pris fin avec la mort du dictateur.

https://parlatges.org/boutique/

(Warren Bismuth)

mercredi 2 octobre 2024

Marion DACKO & Arnaud POCRIS « Les Gergoviotes, des étudiants en résistance »

 


Entre 1940 et 1943 s’est joué au cœur de l’Auvergne un épisode singulier de la seconde guerre mondiale. Sa cause, l’exil, celui de 374000 alsaciens et mosellans dont la moitié de strasbourgeois suite à la signature de l’armistice entre la France et l’Allemagne nazie en juin 1940 et à l’imminente annexion de la région vers le Reich. L’Université de Strasbourg est alors transférée à Clermont-Ferrand, en zone libre. Nombre d’étudiants vont alors rejoindre la capitale auvergnate. Le plateau de Gergovie se dressant à moins de deux heures à pied du centre de Clermont-Ferrand est déjà célèbre pour la victoire de Vercingétorix contre les troupes de Jules César lors de la bataille en 52 avant Jésus Christ.

Des étudiants alsaciens – mais pas seulement – ont décidé de s’installer sur le plateau dès l’été 1940. Un projet de maison des étudiants se développe immédiatement sous la houlette rigide, autoritaire mais enthousiaste du général de Lattre de Tassigny. Les travaux commencent rapidement, ils sont l’œuvre des étudiants eux-mêmes qui vont conjointement entreprendre des fouilles archéologiques sur le plateau en rapport avec la fameuse bataille de Gergovie sous la direction de Jean Lassus. Ce chantier est aussi un prétexte pour garder les étudiants en zone libre, les protéger de l’occupant.

Un noyau dur et mixte se forme au sein des Gergoviotes, une quarantaine de jeunes permanents. Ici, pas de hiérarchie, même si bien sûr des noms et des caractères se détachent. Y sont dispensés des cours de sports, danse, chant, théâtre. Les fouilles démarrent concrètement à l’été 1941 mais parallèlement, les étudiants, politisés, se mobilisent contre l’Allemagne nazie. Sans être à proprement parler des résistants, ils participent à de petites actions que les auteurs nomment « résistance récréative ». « Le groupe des Gergoviotes n’a constitué ni un mouvement organisé de résistance, ni un maquis. La soif d’engagement de chacun, qu’elle soit individuelle ou collective, y a cependant trouvé des occasions de s’exprimer, galvanisée par des personnalités fortes ». C’est pourtant le début de la résistance estudiantine en Auvergne. Partis de graffitis, collages d’affiches ou distributions de tracts, les actes se durcissent, avec notamment l’utilisation d’explosifs et fabrications de faux papiers à partir d’avril 1942.

Le 25 juin 1943 tout bascule : le foyer des étudiants alsaciens, la Gallia, situé en plein cœur de Clermont-Ferrand, est perquisitionné et raflé. Les arrestations sont nombreuses, notamment chez les Gergoviotes. En novembre, c’est au tour de l’université d’être raflée suite à la dénonciation commise par un résistant dont le livre raconte avec documentation la déchéance. « Le 25 novembre, c’est toute l’université qui est concernée : le foyer « la Gallia », les différentes facultés et la bibliothèque. Au total, 1200 professeurs et étudiants [dont cinq Gergoviotes, nddlr] sont arrêtés par la gestapo assistée de 200 soldats de la Luftwaffe ». L’heure des arrestations a sonné pour les Gergoviotes, quatorze en une année. Celle des déportations aussi, douze durant la même période.

Quelle est la signification de ce nom, Gergoviotes ? Fort vraisemblablement la contraction des deux mots Gergovie et Patriotes. Quant au livre, regorgeant de magnifiques illustrations, il représente une iconographie unique et dense de cette expérience. C’est aussi l’occasion pour les deux auteurs d’agrémenter le tout par des biographies succinctes des principaux protagonistes, nous les faisant mieux découvrir.

Quelques noms reviennent plus souvent que d’autres, celui de la famille Kuder notamment, qui a joué un rôle important. René tout d’abord, qui a peint vers 1941 une fresque murale sur l’un des murs de la maison des étudiants. Sa fille aînée Stéphanie ensuite, déportée à Ravensbrück après l’expérience Gergoviote et son arrestation. Quelques extraits de ses mémoires sur sa déportation sont inclus dans le livre. À ce titre il est intéressant de noter que Stéphanie Kuder se trouve déportée en ces lieux exactement en même temps que Micheline Maurel, qui a plus tard écrit le remarquable « Un camp très ordinaire » à propos de sa déportation (paru aux Editions de Minuit), en même temps que l’ethnologue Germaine Tillion – une auvergnate -, compositrice clandestine de la saisissante opérette pièce de théâtre « Le Verfügbar aux Enfers » alors même qu’elle est en déportation.

Qu’est-il advenu de la maison des étudiants, abandonnée durant l’été 1943 après quatre années intenses ? « La date précise du démantèlement complet du bâtiment reste à ce jour un mystère. La documentation photographique en notre possession montre que la maison est encore en place le 26 septembre 1946, mais qu’au mois d’août 1947, il n’en subsiste plus que les fondations ». Quant aux Gergoviotes, après la guerre les survivants retournent à la vie civile, aboutissant pour certains d’entre eux à une brillante carrière professionnelle.

En 1951 une stèle commémorative est érigée à l’emplacement même du drapeau tricolore que hissaient les Gergoviotes devant leur baraquement. Les anciens acteurs de cette aventure atypique se sont réunis régulièrement jusqu’aux années 1980, faisant demeurer l’esprit des Gergoviotes.

Un point à relever : dès l’entame de ce livre nous sont offerts quelques vers du poète résistant Jean Cassou dont les « Trente-trois sonnets composés au secret » furent publiés début 1944 par les Editions de Minuit clandestines sous le nom de Jean Noir, préfacées par un certain François la Colère, en fait Aragon. Ces sonnets avaient été composés dans la mémoire de l’auteur alors qu’il était prisonnier et que le papier était rationné donc indisponible pour les prisonniers. Il avait profité d’une liberté provisoire pour enfin les écrire, c’est ainsi qu’ils furent publiés en toute clandestinité. Quand l’Histoire rejoint la littérature.

Dans ce travail conséquent, documenté et limpide, d’une extrême rigueur, les auteurs nous guident durant ces 220 pages dans l’Histoire de France mais aussi internationale et universelle, entre la guerre des Gaules et la Résistance de la seconde guerre mondiale, sans jamais mettre de côté le caractère archéologique des chantiers des Gergoviotes. Et puisque l’Histoire ne s’arrête jamais, ils en profitent pour dresser un état actuel des fouilles archéologiques sur le plateau de Gergovie. Plus de 150 illustrations (photos, dessins, etc.) viennent compléter un tableau déjà riche. Ce documentaire historique exceptionnel vient juste de paraître aux Presses universitaires Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand. Quant au bilan humain des Gergoviotes, même s’il ne peut être résumé, en voici quelques chiffres : « On peut évoquer les vingt-deux Gergoviotes arrêtés par les polices française ou allemande, les six qui ont réussi à s’évader, les douze qui ont été déportés, les onze membres de différents maquis, les onze engagés dans l’armée de Libération et les sept qui ont payé cet engagement de leur vie et dont les noms sont désormais gravés sur le granit des Vosges de la stèle dressée à Gergovie ».

Ce livre fait suite à l’exposition présentée sur le site même de Gergovie, plus précisément au Musée Archéologique de la Bataille de Gergovie, exposition montée par les auteurs de ce documentaire d’envergure.

https://www.pubp.fr/

(Warren Bismuth)

dimanche 29 septembre 2024

Maxime GORKI « En gagnant mon pain »

 


Septembre, la rentrée des classes. Aussi replongeons-nous dans l’adolescence pour le challenge « Les classiques c’est fantastique » des redoutables blogs Au milieu des livres et Mes pages versicolores où cette période de la vie est à l’honneur ce mois-ci. La littérature russe représentera le thème côté Des Livres Rances avec « En gagnant mon pain » de Maxime Gorki. Cette chronique s’inscrit également dans le cadre du challenge annuel du blog Book’ing consacré à « Lire sur le monde ouvrier & les mondes du travail » :

https://bookin-ingannmic.blogspot.com/2024/01/2024-lire-sur-le-monde-ouvrier-les.html

Suite directe de « Enfance » (traduit également sous le titre « Ma vie d’enfant »), « En gagnant mon pain » de 1916 est le deuxième volet de la trilogie autobiographique romancée de Maxime Gorki. Il faudra attendra 1923 pour la voir se clore avec « Mes universités ».

« En gagnant mon pain » est non seulement la suite logique de « Enfance », mais c’en est presque un second tome. Le jeune Alexis Pechkov est alors âgé d’une douzaine d’années et ne s’appelle pas encore Maxime Gorki. Déjà orphelin, il vit chez ses grands-parents et doit quitter l’école à 12 ans. La période antérieure est abondamment (et talentueusement !) racontée dans « Enfance ». Comme son nom l’indique « En gagnant mon pain » raconte les premiers petits boulots du futur auteur.

Alexis (on traduirait aujourd’hui par Alexei) passe par plusieurs métiers, enfin plutôt par plusieurs employeurs, car il est souvent cantonné aux tâches de garçon à tout faire, successivement dans un magasin de chaussures (avec son cousin), puis chez une grand-tante avant d’être plongeur sur un bateau ou encore aide-cuisinier sur un autre bateau. Il ne faut néanmoins pas voir dans ce livre une succession de descriptions de métiers, d’abrutissements divers, car Gorki a préféré relater la vie personnelle plus que professionnelle. S’il sait s’attarder parfois sur des missions salariales, ils ne les évoquent que sporadiquement, s’attachant aux à-côté : la vie russe.

Car « En gagnant mon pain » est un roman-fresque éminemment russe par son nombre de personnages, ses anecdotes, il est foisonnant en courtes scènes d’une Russie tsariste de fin du XIXe siècle, avec un Alexis se cherchant et vagabondant, qui traverse de nombreuses péripéties qu’il retranscrit dans ces mémoires. Il quitte systématiquement ses employés et s’en explique. Car Alexis est un jeune homme libre, il refuse la hiérarchie, sauf l’autorité de son adorée grand-mère dont il fait un portrait touchant et quasi amoureux tout au long du livre. Quant aux scènes, elles marquent. Je pense par exemple à celle-ci, presque dès l’entame du livre, où lors d’un pari il doit passer la nuit assis sur une tombe du cimetière où sa propre mère est enterrée. Séquence d’anthologie définitivement russe par son approche.

Quant à son grand-père, il le craint et le redoute. Alors il s’évade à la fois dans la rue et dans les livres. Car il découvre la littérature et c’est un choc extraordinaire, même s’il ne sait pas encore qu’il deviendra non seulement écrivain, mais l’un des plus reconnus de sa génération. En attendant, il dévore les livres, des romans français surtout dans un premier temps, gros coup de cœur pour Balzac. Puis ce seront les russes, où il est beaucoup plus critique tout en vouant une sorte de culte à Pouchkine et Lermontov.

Son frère Kolia meurt, s’ensuivront de nombreuses connaissances poussées à leur tour dans le trou fatal. C’est le temps des premières désillusions, des premiers apprentissages de la rudesse de la vie, même s’il a déjà vu mourir ses parents des années auparavant. « En gagnant mon pain » décrit des scènes violentes, d’ivrogneries, de violences conjugales, de bagarres entre hommes, pour un rien, pour montrer une certaine supériorité, s’affirmer. Société agressive dépeinte de manière très réaliste. Dans cet ouvrage cependant Gorki ne s’ouvre pas au monde, ni même à tout ce qui touche à la politique nationale. Le tsar Alexandre II est assassiné en 1881 alors que le jeune Alexis n’a que 13 ans, il n’en consacre que quelques lignes vite oubliées. Tout comme il ne mentionne pas par exemple la mort de Dostoïevski. Ce roman est d’ailleurs fort Dostoïevskien, avec ces seconds rôles improbables, ces citoyens russes empreints d’un brin de folie, coupables de violences, qu’elles soient physiques ou psychologiques, y compris sur eux-mêmes car ce sont des êtres torturés, désabusés, sans espoir, sans envie.

De petits boulots en petits boulots, Alexis rencontre des hommes, des femmes (moins) qui sculptent sans le savoir le caractère du futur Gorki. Il continue à explorer la littérature, à en parler avec des camarades, à débattre.

Le récit paraît basculer lorsque Alexis en vient à travailler dans un atelier d’iconographie. Là les discussions sont nombreuses et serrées sur la religion, les protagonistes se coupent la parole, se disputent, s’invectivent. On entre alors dans le moment le plus Dostoïevskien du récit. En fermant les yeux, on pourrait croire lire par exemple des pages extraites des « Frères Karamazov ». Mais Alexis reprend ses lectures, les commente, c’est par elles qu’il s’ouvre au monde qui, s’il n’est pas bien beau, forge pourtant son caractère. Alexis/Gorki décrit avec minutie les rapports humains, les échanges entre habitants de Russie, il évoque ses errances entre deux métiers, sa boulimie de lecture qui est son apprentissage de la vie : « En lisant, je me sentais plus robuste, plus fort, je travaillais plus vite et mieux, car plus vite j’aurais fini, plus il me resterait de temps pour lire. Privé de livres, je me laissai aller, devins paresseux ; une étourderie maladive, qui m’était étrangère auparavant, commença de s’emparer de moi ».

Roman sur l’adolescence, il est celui sur la foi religieuse qui, comme dans un grand roman russe qui se respecte, prend une place prépondérante, place affirmée par de longs questionnements sur l’existence de Dieu. Il est aussi celui d’un amour pour une femme : la grand-mère. L’écriture là aussi est toute russe : simple mais littéraire et puissante, elle guide d’autorité le lectorat vers un but précis, elle ne s’arrête pas en chemin, ne prend pas de pause, écrase par son pouvoir. Mais « En gagnant mon pain » est aussi un roman sur l’errance, celle d’un jeune homme miséreux au sein d’une famille pauvre, qui doit gagner sa vie alors qu’il ne tend qu’à rencontrer ses semblables. Le roman est terminé en 1916, la Révolution russe ne s’est pas encore enclenchée, Gorki n’est pas encore proche du pouvoir. En lisant ce roman autobiographique, il paraît quasi inconcevable que son auteur deviendra quelques années plus tard un proche de Staline, tout en continuant (soyons objectifs) à défendre à tout crin les écrivains russes contre le régime, menant ainsi un jeu ambivalent qui finira par être l’une des grandes caractéristiques de l’auteur.

« Je pensais de plus en plus à l’immensité du monde, aux villes que m’avaient fait connaître les livres, aux autres pays où l’on ne vivait pas comme chez nous. Dans les livres des écrivains étrangers, la vie était plus propre, plus accueillante, moins difficile que celle qui bouillonnait lentement et uniformément autour de moi. Cette constatation apaisait mon trouble, me faisait rêver avec obstination à la possibilité d’une autre existence ». « En gagnant mon pain », ici traduit par A. Meynieux et R. Collas, se termine au moment où Alexis, mûri par les épreuves, décide d’entrer en université. Ce sera le troisième volume de cette trilogie.

 (Warren Bismuth)






mercredi 25 septembre 2024

Ron RASH « Réveiller les morts »

 


L’auteur Ron Rash est surtout connu pour ses romans voire ses nouvelles. Mais c’est aussi un poète. Et cette anthologie montre qu’il est plutôt adroit dans l’exercice ! Ce recueil est un véritable événement, la poésie de Ron Rash n’ayant à ce jour jamais été traduite en France, il s’agit donc d’une grande première, et accessoirement d’un véritable coup de maître.

« Réveiller les morts » est un choix de poèmes grappillés dans ses quatre recueils parus entre 1998 et 2011, augmenté de cinq poèmes inédits en fin de volume. 125 poèmes en tout, et non des moindres.

Les scènes se succèdent, brèves, elles prennent naissance dans les Appalaches, plus précisément du côté du lac Jocassee en Caroline du sud, où la population (dont l’auteur) a encore en tête l’érection du barrage, engloutissant à jamais la vallée à partir de 1973. Ce fait est d’ailleurs en quelque sorte le point de départ de tout ce recueil qui va s’articuler autour : la vie avant, la vie après, les souffrances, les croyances, les morts surtout. Car ce livre est un hommage aux disparus de la vallée dont l’âme continue de hanter les lieux, ces anonymes qui ont forgé l’histoire et la légende lors de ces temps révolus que l’auteur semble regretter. Ces morts sont comme une boussole pour les vivants, dans un climat rural d’isolement parfois absolu. Rash y saupoudre ses souvenirs d’enfance, d’adolescence, les tragédies témoins de l’histoire de cette région, dans une économie de mots et d’émotions, Rash évoquant sans aspérités, alors que c’est l’atmosphère générale qui donne les courbes.

Dans une puissance contenue, une lenteur sauvage, Rash raconte, comme un ancêtre le soir au coin du feu, l’avant, le passé pourtant presque contemporain, les histoires de familles, les anecdotes marquantes, propose des instantanés, ceux d’un habitant par exemple, d’un voisin peut-être. Quelques lignes pour créer une scène complète et envoûtante, dans des poèmes d’une extrême spiritualité, où le monde religieux revient ponctuellement.

Livre pouvant se faire polyphonique, sa narration est prise en charge par quelques inconnus, ou bien elle les raconte : « Clouée au lit, elle entendit le cri du hibou / tomber doux comme un linceul cette nuit-là / les édredons resserrés autour de sa gorge, / ses yeux étrécis, leur lumière / disparue quand elle vit que ce qu’elle avait entendu / l’attendait dans l’arbre / abattu au point du jour par des parents / pour fabriquer le cercueil, enterrer / ce bois autour d’elle afin que la mort / puisse trouver un endroit de moins où se percher ».

Retours sur l’incendie de cette grange en 1967, ainsi que sur la résistance des salamandres. Car bien sûr la nature possède une belle part dans ces poèmes entre sauvagerie et rudesse du labeur, dans les champs ou en usine, cette complexité entre deux mondes qui paraissent ne jamais vouloir se rejoindre. Le tout est cimenté par l’esprit des défunts, témoignages de l’au-delà par ceux dont l’image s’est figée car « Même les jeunes à l’époque mouraient vieux ». Mais Rash évoque aussi la canicule qui dévaste les récoltes à venir, obligeant certains paysans à se réinsérer vers un travail à l’usine. Poésie sensible mais pudique, sobre, elle frappe par cette palette de portraits et de situations données, elle est un siècle de vie dans les Appalaches, rude, violente, mais emplie de foi et d’espoir.

La poésie de Ron Rash rappelle fortement celle de Jim Harrison, autre écrivain surtout connu pour ses talents de romancier alors que ses poèmes sont éblouissants et dépassent peut-être son œuvre en prose. Elle peut aussi se rapprocher de celle de Jacques Josse, par ces morts omniprésents, rythmant même le présent. Poésie simple, c’est sans doute ce qui lui confère cette beauté, cette universalité, elle s’adresse à tout public, à toute classe sociale, sans élitisme. Elle raconte la vie, la mort, et au-delà, la transmission et la mémoire. Le recueil est préfacé et traduit par Gaëlle Fonlupt qui nous offre ici l’occasion de découvrir ce petit trésor de littérature paru en 2024 aux éditions de Corlevour dont je n’avais jamais entendu parler. Attardez-vous un peu sur sa couverture. Somptueuse elle aussi, elle est l’œuvre de Valentine Flork.

« Aucune opération de mécanique sauvage ne pouvait / relancer son moteur, alors on l’a poussée / dans le pâturage, laissée à l’abandon / parmi le bétail ; bientôt les croûtes de rouille / ont éclaté sur la peinture bleue, les pneus / s’affaissant comme des ballons percés, / mais quand la neige est arrivée, ce fut magique, / elle devint un igloo des Appalaches / à l’intérieur duquel je me suis blotti, fissurant / la vitre de ma fenêtre tandis que la neige lissait / le pâturage comme un édredon / pour que l’hiver s’y repose ; / et comme c’était calme – le ruisseau / étouffé par la glace, les écureuils gris / pelotonnés dans les lits de feuilles, les corbeaux muets / dans la nudité des branches hérissées ; / seul le son de mon souffle / blanc obscurcissant la fenêtre ».

https://editions-corlevour.com/

(Warren Bismuth)