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lundi 7 août 2017

Éric VUILLARD « L’ordre du jour »

Le récit s’ouvre lorsque vingt-quatre chefs d’entreprises s’apprêtent à pénétrer dans une grande pièce pour une réunion avec Hermann GOERING. Nous sommes le 20 février 1933, cela fait à peine un mois qu’HITLER vient d’être désigné chancelier du Reich par le Président HINDENBURG. Le livre se ferme le 12 mars 1938, date de l’anschluss, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie. Entre ces deux dates, cinq années de préparation de guerre, d’accords de principes entre nations, de trahisons idéologiques. Les vingt-quatre chefs d’entreprises auront pesé de tout leur poids pour une victoire de l’hitlérisme. HALIFAX, Président du conseil anglais, aura baissé son froc, imité par LEBRUN puis DALADIER, même poste en France. Et puis il y a SCHUSCHNIG, chancelier de l’Autriche, qui va rencontrer HITLER à Berchtesgaden où il va s’aplatir, ramper, tout accepter, même le plus ahurissant. Cet avant-guerre, on le connaît à peu près, et encore pas dans les détails. Mais le talent de VUILLARD est de s’arrêter sur les détails insignifiants, la mouche dans le lait, la crasse sous l’ongle. Et l’écriture est magistrale, puissante, précise, toute cinématographique mais un petit plus vous transporte au cœur de l’action sans moyen d’en sortir avant la dernière page, comme une hypnose. Et puis il y a son cynisme, sa causticité, je me demande si VUILLARD n’a pas du génie pour ces deux attributs. Il vous raconte singulièrement la panne générale des véhicules allemands triomphants avançant vers la frontière autrichienne en vue d’envahir le pays, un moment d’un grotesque tragique, ces machins à roues, à chenilles immobilisés sur la chaussée, on se croirait en août en pleins congés payés, ceux qui viennent d’être attribués en France. VUILLARD va faire un petit crochet après-guerre par Nuremberg au moment du grand procès contre les nazis, il va sciemment déborder de ces cinq ans d’avant-goût d’une bonne guerre mondiale, pour montrer que contrairement à lui dans ses descriptions, Nuremberg va se foutre des menus détails. Puis surtout il y aura les ouvriers des usines des vingt-quatre chefs d’entreprises rencontrés au début du récit, d’où vient cette main d’œuvre ? Vous le découvrirez en lisant ce somptueux bouquin, parfait de A à Z. VUILLARD a frappé très fort, nous a encore remués, mais plus que jamais, à la fois nécessaire et démoniaque, chapeau et respect total. Paru chez ACTES SUD dans la collection « Un endroit où aller » en 2017.

(Warren Bismuth)

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