Je sors un peu de mes formats habituels (je
ne lis que des romans ou des essais depuis bon nombre d'années) pour vous
présenter cette fabuleuse nouvelle de Schichirô FUKAZAWA, « Narayama »,
publiée en 1956.
Férue de littérature japonaise, notamment de
polars, que je trouve particulièrement qualitatifs tant ils sont évocateurs (je
reviendrai plus tard sur les polars japonais), je me suis (enfin) attaquée à ce
petit chef d'oeuvre.
J'ai pris mon temps avant de parcourir ces
pages car je suis restée marquée par le long métrage, « La ballade de
Narayama », de l'excellentissime IMAMURA. La violence de cette culture de paysans
japonais pauvres vivant dans des contrées fort peu hospitalières, l'image de
cette vieille femme abandonnée dans cette montagne enneigée, la rudesse des
rapports humains, le questionnement sur le passage de la vie à la mort me
restent en tête, inlassablement, année après année.
J'ai retrouvé le même potentiel évocateur
dans la nouvelle, cette poésie ultra violente de mœurs et de coutumes que nous
ne maîtrisons simplement pas du tout, qui fait référence à une légende selon
laquelle arrivés à un certain âge (70 ans), les anciens du village doivent être
transportés sur la montagne de Narayama afin d'y mourir. Ne pas respecter cette
étape de l'existence, c'est jeter l'opprobre et la honte sur sa famille. Il
s'agit d'un rituel joyeux, débuté par une fête, organisée par la personne qui a
choisi d'honorer les traditions en choisissant de laisser sa place. Laisser sa
place car l'angoisse de la faim est omniprésente, elle se répand tout au long
de la nouvelle, lorsque la vieille se casse les dents avec une pierre (signe
qu'elle vieillit et qu'elle peut moins se nourrir aussi), lorsque la fiancée du
fils aîné est critiquée car dévore de grosses portions de nourriture.
Le sous-titre de la nouvelle s'intitule
« étude à propos des chansons de Narayama ». Tout le récit se fait au
rythme des chansons traditionnelles qui nous font cheminer à travers les
traditions ancestrales, l'édition dans laquelle j'ai lu l'oeuvre (Folio),
regorge de notes pouvant éclairer les néophytes.
Pour clore cette chronique, je vous livre la
petite chanson troublante qui revient à plusieurs reprises et que je ne vous
expliquerai pas, espérant ardemment (oui, oui, carrément!) que vous plongerez
dans les 130 trop courtes pages de ce bijou.
Le ballottement du sourd
Six racines ô six racines ô six racines
Accompagner semble facile et ne l'est point
Sur les épaules c'est lourd le fardeau est
pénible
Purifions les six racines purifions les six
racines.
(Emilia Sancti)
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