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mercredi 28 février 2018

« GABBA, GABBA, FUCK ! – Lobotomy contingent, n°1 à 8 »


Planquez vos vessies car voici le messie ! Avant de présenter ce bouquin qui me tient particulièrement à cœur (vous comprendrez plus loin pourquoi), il est nécessaire de regarder dans le rétroviseur. Après l’avènement du punk-rock en 1976/1977 chez les britanniques, la France a été touchée à son tour, et si la première vague s’est écrasée contre un piton rocheux, la deuxième déferla dès le tout début des années 1980, avec ses groupes bien sûr, mais aussi ses labels, ses lieux de concerts, ses distributions indépendantes (on ne disait pas encore trop D.I.Y.), ses compilations cassettes (oui oui, ça paraît néanderthalien, des cassettes à bandes messieurs-dames !), et bien sûr sa presse underground : les fanzines. Parmi ceux-ci, un titre particulièrement représentatif d’une époque, d’un mouvement : GABBA GABBA FUCK ! Commis à Clermont-Ferrand à partir de 1983, il semblait pourtant ressembler aux autres fanzines français. En apparence seulement. Car il allait à mon goût beaucoup plus loin dans cette sorte de provocation incessante qu’était le punk (ce qu’il est par ailleurs resté, peut-être de manière plus « mûre »). Le punk c’était de sales gosses qui aimaient jouer avec leur morve et les bouteilles de Valstar (non consignées je précise), ainsi qu’avec les nerfs des gens, des ados révoltés qui reprenaient un slogan, une éthique venus d’Angleterre et des Etats-Unis. Jusque là on est d’accord. On est d’autant plus d’accord que c’est moi qui écris l’article. Là où GABBA GABBA FUCK ! se démarque, c’est dans l’excès : si les mises en page de l’époque étaient confuses, celle de ce zine était éminemment chaotique, d’une part car le rédacteur en foutait dans tous les sens, mais aussi découpait des articles un peu partout sur la feuille pour les coller n’importe où, ce qui rendait le tout quelquefois proche de l’illisible, mais il poussait le vice jusqu’à avoir supprimé l’interligne de la machine à écrire (oui, on écrivait avec un stylo ou une machine à écrire, photoshop et compagnie n’étaient même pas encore dans le ventre de leur mère), ce qui donnait une écriture si serrée que les lignes se chevauchaient. Explication : GABBA GABBA FUCK ! était gratuit, et comme le rédacteur l’explique dans l’introduction du livre, il voulait placer un maximum de lecture en un minimum de place, comme on bourre avec ses pieds un tiroir rempli de chaussettes (quelle idée de posséder autant de chaussettes). Pour lui, le lecteur pouvait bien faire l’effort de démolir ses yeux puisqu’il n’avait pas payer la chose (contrairement au rédacteur). Une réflexion qui se défend. Toujours dans l’édito, mais aussi dans la conclusion du livre, Laurent, le seul représentant de ce zine, expose ses souvenirs sur la difficulté à l’époque de faire des photocopies à peu près propres, avec le toner qui dégueule sur les copies, les recto-verso qui coincent, les photocopieurs qui lâchent, les feuilles qui gondolent, etc. Croyez-moi si vous voulez, mais pour avoir vécu ces expériences moi-même, je puis certifier qu’il n’exagère pas une seule seconde. Mieux, il ramène des souvenirs jusque là enfouis dans ma mémoire, quel talent ! Maintenant que vous avez la forme (enfin, l’absence de forme devrais-je dire), analysons le fond : G.G.F. parlait de punk, était fait pour les punks. Pour le recevoir, il suffisait d’envoyer une enveloppe timbrée (tout comme son rédacteur). Les pages débordaient (le mot n’est vraiment pas trop fort) de chroniques, infos, dates de sorties de disques, adresses de groupes, labels, fanzines, organisations, tout ceci à l’international (on apprenait entre autres l’existence d’une scène punk en Afrique du sud). À partir du n°5, des interviews de groupes apparaissent. Les chroniques de G.G.F. prenaient la majorité de la place, il y en avait dans tous les sens, impossible de ne pas souffrir d’un torticolis en fin de lecture d’un numéro. Je précise : le numéro sort à l’origine en double A4 recto-verso, ce nombre de 4 feuilles ne sera pas toujours respecté par la suite. G.G.F. était à la pointe de l’actualité en sorties de disques, était l’un des premiers fanzines français à parler d’anarcho-punk (un mouvement qui a fait son chemin depuis). La majorité des disques punks français sortis à cette époque étaient chroniqués dans ses colonnes, ponctués de « fuck », de « oi », et on croit entendre quelques rots par-ci par-là. G.G.F., c’est peut-être LE fanzine punk à étudier pour une thèse sur le fanzinat des 80’s, rien ne manque, ni le bordel, ni la présentation extrême, ni le « jmenfoutisme » revendiqué, c’est une perle rare. Vous vous dites « oui mais l’auteur de cette chronique a dit au début que ce livre lui tient particulièrement à cœur, aussi on souhaiterait bien savoir pourquoi ». C’est exact, vous êtes très pertinents ce soir. Désolé si je reviens un peu sur mon parcours personnel (vous pouvez sauter les lignes qui suivent, je ne vous en tiendrai pas rigueur. Quoique…). 1986, je suis un jeune punk ignorant, ne connaissant que les groupes assez « importants » du mouvement punk. Au tout début de la sainte année 1986 (février je crois), je tombe nez à nez avec une affiche dans un magasin de disques : il y est question d’une émission punk sur une radio indépendante. Le nom de l’émission est « Media blitz ». Dans mon souvenir elle est diffusée le lendemain de ma rencontre avec son affiche. Je me branche sur ma radio pourrie (le son l’était également), et là ma vie bascule à jamais : j’entends du punk du monde entier, des trucs dont je ne soupçonnais même pas l’existence. L’animateur de cette émission annonce qu’il édite un fanzine (mais qu’est-ce donc ???), qu’il est gratuit. J’envoie une enveloppe timbrée, vous connaissez la suite. Mes premières vraies correspondances avec des activistes punks (à une époque où écrire se faisait sur du papier et où La Poste s’appelait les P.T.T.), les premières cassettes que j’ai reçues le furent aussi suite à des chroniques parues dans ce fanzine. Je suis resté en contact quelque temps avec Laurent, pas assez à mon goût, mais son influence quoique involontaire fut majeure dans mon existence. Il y a quelques mois, ce diable ressort de sa boîte en annonçant qu’il vient de sortir un livre constitué de l’intégrale d’un fanzine Strasbourgeois (basé à Aurillac à l’origine) de 1982/1983, du nom de FRACTION WAW UN-LIMITED, zine dont le nom ne m’évoque plus rien. Bref, je me plonge dans ce bouquin avec délectation, les souvenirs et la bouille de Laurent remontent dans mes entrailles. À peine remis du choc, je reçois un colis, par les PT.T., comme jadis, avec un livre en papier dedans. Mazette ! L’intégrale de la première époque du zine qui m’a vu « grandir », GABBA GABBA FUCK ! Les larmes aux yeux, j’en entame la lecture et les souvenirs reviennent, avec ce gros fond de tendresse, d’une époque où l’on était jeunes, casse-cous (pour ne pas dire plus), où la vie nous semblait éternelle et où l’on donnait toute notre énergie (et notre fric accessoirement) au punk. Ce livre est l’intégrale des 8 premiers numéros de GABBA GABBA FUCK ! et il est magique, car comme je l’ai déjà écrit, l’édito et la postface sont un condensé du fanzinat et de ses difficultés techniques dans les 80’s, mais ces 8 premiers numéros de G.G.F. sont une radiographie assez exacte du punk français de la décennie estampillée 80. Laurent se sabordera pourtant à l’issue de ce n°8. Mais bien sûr, il ne pouvait pas rester sans rien faire, aussi quelques mois plus tard, il reprendra G.G.F. en split fanzine (un zine jusqu’à la moitié de l’ouvrage, un second sur l’autre moitié) avec DEAD FUCK COMMANDO, toujours gratuit. Petite précision utile : DEAD FUCK COMMANDO était aussi l’œuvre de Laurent. C’est par le premier numéro de D.F.C. (pas encore en split avec G.G.F., il le deviendra à partir du numéro suivant, ce jusqu’à l’arrêt de ses activités fanzinesques, en 1989) daté du second semestre 1985 que l’aventure réellement punk underground commence pour moi (même si j’animais déjà une émission de radio). C’est en effet le premier zine que j’ai eu entre les mains. Et Laurent, tu as très bien vu dans ta postface, car en effet, des lecteurs lisaient tout jusqu’à la dernière ligne. J’en faisais partie. Merci pour ce moment. Dans ce livre, outre les formidables préface et postface, vous pourrez vous délecter jusqu’à en devenir aveugle – au sens premier du terme – des 8 premiers numéros de G.G.F. (de septembre 1983 à décembre 1984), mais aussi de toutes les couvertures (1985-1989) du split fanzine G.G.F./D.F.C. Et en bonus vous aurez même devant vos yeux ébahis les 4 jaquettes des compilations cassettes que Laurent a sorti entre 1985 et 1986 sur son micro-label « Ethylik tapes », ainsi que la couverture d’une nouvelle écrite en 1984 par l’un de ses amis à l’époque par ailleurs membre du groupe punk aurillacois MALADIE WARGASM. Attention, la présente édition n’est tirée qu’à 100 exemplaires, et comme Laurent est un vrai fou furieux comme on en fait plus, le tout est… gratuit ! Oui, comme à l’époque de son fanzine, sauf que là c’est un livre. De 100 pages. Remerciements éternels. Pas moins. Une bière sera utile. Comme avant. Vous pouvez tenter votre chance afin de recevoir la bible (ah mince, je me plante, « La bible » était un autre fanzine des années 80, de Clermont-Ferrand également) en contactant Laurent par le biais suivant (à la même adresse vous pouvez commander le livre FRACTION WAR UN-LIMITED pour la modique somme de 18 euros) :

(Warren Bismuth)

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