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dimanche 6 juin 2021

Bell HOOKS « Tout le monde peut être féministe »

 


bell hooks (sans aucune majuscule) est le pseudo de la militante afro-états-unienne Gloria Jean WATKINS, née en 1952, autrice d’essais sur la question du féminisme.

Dans cet essai à la fois didactique, philosophique et pratique, bell hooks s’interroge sur la place de la femme, non pas uniquement dans la société, mais au sein même du mouvement féministe et de ses nombreuses déclinaisons.

bell hooks met les mains dans le cambouis mais aussi les pieds dans le plat, analysant le mouvement féministe depuis sa forme du militantisme actifs des années 70 jusqu’à nos jours. Dans cet historique, l’autrice revient toujours brièvement mais avec des phrases simples, précises et percutantes sur les victoires du féminisme, mais peut-être plus longuement sur ses erreurs, ses mésalliances, ses fausses certitudes. Ainsi, il aura fallu du temps pour que le féminisme se défasse de l’emprise du patriarcat, mais aussi apprenne à lutter contre sa propre notion de sexisme. « Pour mettre fin au patriarcat (qui n’est qu’une autre façon de nommer le sexisme institutionnalisé), nous devons affirmer clairement que nous participons toutes et tous à la perpétuation du sexisme, du moins jusqu’à ce que notre esprit et notre cœur soient transformés, jusqu’à ce que nous abandonnions la pensée et l’action sexistes pour les remplacer par la pensée et l’action féministes ».

Nombreux sont les comportements et les réflexes masculinistes – dont la compétition, le paraître physique, etc. -, donc sexistes ou anti-féministes au sein même des collectifs féministes. Pas facile d’y remédier, mais ensemble, dans un regroupement hétérogène dans ses richesses de points de vue, il est possible d’évoluer, y compris avec l’aide des hommes si ceux-ci sont dans une démarche résolument féministe.

Au sein du mouvement féministe s’est développé un courant réformiste, émanant en grande majorité de femmes blanches de classes moyennes voire de la bourgeoisie, pas prêtes à remettre en question les clichés mêmes de la femme et de son apparence dans la société. Ces réformistes ont causé un tort aux militantes noires issues des classes défavorisées, dont le discours a été dilué puis noyé par des images clairement d’aspect physique et donc égocentriques, favorisant ce clivage entre la lutte féministe des classes et celle de l’esthétisme située dans un courant capitaliste, en tout cas ne le remettant pas du tout en question. « Lorsque les femmes dotées d’un pouvoir de classe font un usage opportuniste de la bannière féministe tout en minant le féminisme comme combat politique, elles contribuent à maintenir un système patriarcal qui finira par les subordonner à nouveau. Elles ne trahissent pas seulement le féminisme ; elles se trahissent elles-mêmes. Il faut que les femmes et les hommes féministes recommencent à discuter des questions de classe, pour établir les conditions nécessaires à la solidarité ».

bell hooks ne se contente pas de dénoncer le paraître et la perpétuation des clichés de l’image de la femme au sein du féminisme, mais embraye brillamment sur la place du travail dans la société d’acceptation. Non, semble dire l’autrice, le travail ne libère pas.

Un long espace est consacré à la vie sexuelle, à ne jamais voir pour l’autrice comme une pensée d’opposition de sexes. Ne pas juger selon sa sexualité mais bien dans un esprit d’entraide, d’unification, de tolérance et de lutte, sans concurrence ni mollesse. « Les penseuses féministes radicales avaient donc raison il y a quelques années, lorsqu’elles avançaient que les femmes ne seraient vraiment libérées sexuellement que lorsqu’elles arriveraient à considérer leur valeur et leur force d’initiative sexuelle indépendamment du fait qu’elles soient objet ou non du désir masculin ». Il est important de ne pas se tromper sur les gestes et les postures. Tout comme il est nécessaire de bien formuler les bons mots. À propos des premiers mouvements lesbiens : « Ces femmes ne sont pas devenues féministes parce qu’elles étaient lesbiennes. Un grand nombre de lesbiennes étaient « non politisées », voire conservatrices, et n’avaient aucune envie de rejoindre un mouvement radical. Les lesbiennes et bisexuelles qui ont participé à la formation d’une avant-garde de la libération des femmes sont devenues féministes parce qu’elles étaient déjà engagées dans des combat politiques de gauche, des luttes pour briser la fixité des frontières de classe, de race et de la sexualité ».

Dans cet essai percutant l’autrice brandit et démonte les clichés, les idées préconçues, proposant l’entraide et le respect tout en fustigeant un combat parallèle dit féministe mais lui tirant une cartouche dans le pied par des postures patriarcales ou clairement sexistes. Ouvrage nécessaire et salutaire pour bien comprendre les enjeux d’un combat sociétal pour que le féminisme aboutisse, ensemble. Sorti en 2020 aux éditions Divergences.

https://www.editionsdivergences.com/

(Warren Bismuth)

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