C’est par un recueil de poésie en vers
libres que nous revient Charlotte MONÉGIER aux éditions Lunatique, après les
remarquables « Petite fille » (roman) en 2014 et « Le petit
peuple des nuages » (nouvelles) en 2020.
Après de nombreux périples un peu partout
dans un monde lointain et inconnu de nous, la jeune globe-trotteuse a fini par
poser ses valises à Clichy, et prend la plume pour se remémorer. Dans une
langue délicate, fine et à la fois puissante, elle évoque la mer, le ciel, cet
horizon les délimitant, horizon jamais atteint mais fantasmé. « Les soleils qui se couchent, / Vous ne
prendrez pas ceux qui se lèvent ».
Charlotte MONÉGIER joue avec les corps, les
scrute et les sculpte, les fait s’enlacer, se découvrir et s’habituer, se
dompter et se respecter, s’aimer et se consoler. Participer au monde aussi, à
ses images : « Nos tongs
faisaient des bruits de baisers ». Avec cette fenêtre sur la mer qui
pourrait bien permettre de prendre son envol tant la figure du corps ailé est
prégnante, ces ailes dans le dos comme poussées par magie. Pégase n’est pas
loin. Mais il faut rester sur la terre ferme malgré les envies, les
besoins : « J’ai les deux mains
dans les poches / De peur de m’envoler ».
Dans ce recueil les déplacements sont
incessants. En train surtout. Et les rencontres furtives avec les autochtones
chez qui l’aventurière est hébergée, à la bonne franquette après des heures
toutes en improvisation. La fenêtre disparaît. « Il n’y avait pas de fenêtre sur l’océan. / Pas de mur, pas de toit /
Pour cacher les étoiles ». Découverte de l’autre, de sa culture.
Certains des titres de poèmes sont partie
prenante du texte, ils en sont l’amorce et se coulent, se lovent en début de vers.
Ils ne sont plus titres mais lien, première fondation d’une passerelle ouverte
sur la mer.
Charlotte MONÉGIER écrit ce monde, celui de
l’autre bout du monde, qu’elle a fréquenté, aimé, celui que peut-être elle ne
connaîtra plus. Une page est tournée. Celles de ce recueil sont quelques
dizaines, délectables et adroites, épurées et communicatives, talentueuses et
imagées. Mais est-ce bien un recueil ? Si les évocations paraissent
orphelines, le lien (ce fameux lien) existe entre elle, il est la Vie, une
tranche de celle-ci, et puis la fin, non de la vie, mais du Voyage, les valises
déballées, l’aventure terminée. « Si
elle était revenue ici, c’était bien pour lui. / Une autre sorte d’oiseau, /
Une autre sorte de plante, / La nature entière, peut-être, / Qui s’étire en
rouge-doré / Sur les sommets de la ville / Et qui la couvre de baisers / La
couvre de baisers / À l’approche de l’hiver ».
Restent les instantanés, somptueux, l’horizon comme repère, ailes dans le dos repliées (fatiguées ?), détachement sans nostalgie, retour au bercail après un long voyage, des voyages que Charlotte MONÉGIER nous fait ici partager grâce à sa plume alerte et élégante. Petit bouquin qui injecte du carburant, dans une écriture qui touche son but, qui renvoie immédiatement une sensitivité palpable. Sorti chez Lunatique, il est à lire, à partager, à relire et à méditer, il est une collection de cartes postales ouvertes sur le monde, inscrite dans une autre collection, celle des Mots-cœurs des éditions Lunatique.
https://www.editions-lunatique.com/
(Warren
Bismuth)
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