Pour la première fois paraît un recueil regroupant l’intégrale des poèmes de Charlotte Delbo. Certes, la grande majorité d’entre eux fut publiée auparavant dans plusieurs livres de l’autrice, notamment dans la trilogie « Auschwitz et après », l’un des sommets de la littérature concentrationnaire. Les autres le seront juste après la mort en 1985 dans « La mémoire et les jours ». Mais dix poèmes, présentés ici en fin de volume, étaient restés à ce jour inédits, c’est dire l’intérêt patrimonial de ce livre.
Écrits entre 1946 et 1985, ces poèmes représentent une vie littéraire, celle d’une femme libre, militante et engagée, évoquant souvent en ces pages sa déportation au camp d’extermination de Auschwitz, les souvenirs de son mari, Georges Dudach, résistant fusillé en mai 1942. Dans une volonté de résilience, Charlotte Delbo évoque leurs derniers instants complices, puis le vide qui s’ensuit.
Auschwitz n’est jamais loin, hantant la mémoire. Hommages aux disparues, à celles laissées en chemin dans les blocs du camp, celles qui ne reviendront jamais, tandis que les survivantes, elles, reviennent, mais d’un autre monde, irréel, indicible. Puis la perte d’appétit pour la vie, le renfermement, l’échange impossible avec ceux qui n’ont pas connu l’enfer et veulent en obtenir un témoignage. « C’est difficile de revenir / et de reparler aux vivants ». Morts ressuscités souffrant d’un manque d’amour, de compréhension, peut-être de compassion des autres.
Les poèmes extraits de la trilogie « Auschwitz et après » en sont un condensé. Mis bout à bout, ils représentent l’essence même de cette trilogie, ils en sont la charpente. Suivent dix inédits, dont sept sur la période Auschwitz et trois indépendants, poèmes engagés, révoltés et internationalistes, qui nous rappellent que toute sa vie Charlotte Delbo fut en lutte contre l’injustice, l’arbitraire, le fascisme, les dictatures. Une femme rare qu’il nous est enfin permis de redécouvrir grâce à ce recueil qui nous la montre à nu.
Le livre se clôt sur une interview de Charlotte Delbo datée de 1965, alors que vient juste de paraître le premier volume de la future trilogie, « Aucun de nous ne reviendra ». Ce recueil vient de sortir aux éditions de Minuit, dans la collection poche Double pour un prix modique.
« Vous qui savez leur dénuement
faites-leur
place à vos côtés
ils
seront si peu encombrants
appelez-les
entre
vous vous vous comprenez
car
les vivants
(ils
étaient trop c’est la raison)
les
vivants
oublient
leur nom
ils
baptisent une rue Tartempion
pas rue des héros sans nom ».
http://www.leseditionsdeminuit.fr/
(Warren Bismuth)
Il faut vraiment que je me penche sur son œuvre...
RépondreSupprimerElle me paraît indispensable dans sa totalité.
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