Ce documentaire fourmillant de détails s’emploie à retraverser plus de trois siècles d’Histoire des guerres indiennes sur le territoire des actuels Etats-Unis, débordant même sur le Mexique et le Canada. Le défi est de taille, d’autant que les combats furent nombreux au cours des 370 ans ici scrutés à la loupe.
Tout commence par le meurtre d’un blanc par un indien au début du XVIIe siècle. Puis vient la volonté des blancs de christianiser les tribus indiennes, et accessoirement de leur dérober leurs terres et ce dès l’arrivée en 1622 du bateau le Mayflower en Nouvelle-Angleterre. Partant de ce fait, les deux auteurs déroulent avec un sens époustouflant du détail les combats, les guerres, y compris internes. Car des tribus Indiennes se combattent, des Blancs se font la guerre entre eux, sans compter les alliances entre Blancs et Indiens. Des traités sont signés dès le XVIIe siècle mais, comme les suivants, ils sont sciemment mal expliqués par les rédacteurs et ensuite galvaudés.
Si les premiers chapitres du livre paraissent ardus car méticuleux sur une période lointaine pas toujours étudiée ni bien maîtrisée par le lectorat, la suite est vite plus limpide, notamment à partir de la guerre d’Indépendance et la création de la nation des Etats-Unis en 1783.
Le texte revient abondamment sur les coutumes indiennes, s’attarde sur les différentes tribus, les différents chefs, leurs lieux de vie et conditions d’existence, l’introduction du whisky, dévastateur. Le récit fait en revanche en partie l’impasse sur les grandes heures de la création des Etats-Unis et sur la guerre de sécession, l’essentiel du propos étant ailleurs, les luttes incessantes entre tribus et – désormais – américains. « Comment un Blanc pouvait-il vendre ou acheter de la terre, comme si elle lui appartenait, alors que tout Indien sensé savait que la terre était pareille à la mer, et que tous pouvaient l’utiliser ? À la rigueur, plusieurs tribus pouvaient se choisir des territoires différents, mais jamais un seul homme ne pouvait en être le propriétaire ». Car ce sont bien deux civilisations qui s’affrontent, deux modes de vie, deux pensées aux antipodes l’une de l’autre.
Diverses maladies dont la variole déciment les tribus, certaines ont même été inoculées volontairement par les Blancs, un long massacre se met en route, attisé par la ruée vers l’or du XIXe siècle. Les deux auteurs se focalisent sur les combats, nous les font revivre presque sur le terrain, décrivent les armées déployées ainsi que les techniques militaires, sans nous épargner les tortures ni les assassinats de masse. Il faut parfois avoir le cœur bien accroché pour terminer la lecture d’une scène épouvantable.
Des réserves pour parquer les Indiens sont créées un peu partout sur le territoire. Vient la bataille de Little Bighorn en 1876 et cette éclatante victoire des Indiens s’offrant la mort du célèbre général Custer. Là aussi de nombreux détails sont consignés, analysés, l’exercice est passionnant et toujours « très à cheval » (rires gras) sur le contexte historique. Suite à cet événement majeur, la tension se fait de plus en plus extrême, les déportations massives, les exécutions sommaires banalisées, les destructions de bêtes, plantes et forêts nombreuses afin d’affamer les Indiens.
« Vers 1885, il existait cent quatre-vingt-sept réserves, couvrant deux cents quatre-vingt-dix milles kilomètres carrés, où vivaient deux cents quarante-trois mille Indiens. Le bureau des Affaires indiennes, qui n’employait que trois cents personnes en 1850, en comptait maintenant plus de deux mille cinq cents, et avait un très grand pouvoir, presque de vie et de mort, sur l’ensemble des Indiens des Etats-Unis ». Car c’est bien le pouvoir, la cupidité qui fut au cœur de cette bataille de plus de trois siècles.
La « Danse des esprits » allait devenir le tombeau des Indiens, le récit nous raconte en quelles circonstances, notamment cette interception des Sioux au bord de la rivière Wounded Knee par la 7e cavalerie, qui n’était autre que l’ancien régiment d’un certain Custer. S’ensuit l’un des plus grands massacres de toute l’histoire des Etats-Unis, celui de Wounded Knee qui met fin aux guerres indiennes.
Un résumé du livre peut s’avérer totalement inadéquat devant une telle suite d’éléments terriblement précis sur une si longue période. Ce billet ne fait pas exception à la règle, il ne me semble pas retranscrire l’intensité du propos. Si seulement il pouvait vous donner envie de plonger dans ce récit, son but serait néanmoins en partie atteint.
« Guerres indiennes » est un document très éclairant, parfois complexe de par ses descriptions méticuleuses des combats, des forces en présence, de l’aspect géographique, des hostilités nées de rancoeurs. Il n’empêche que c’est un témoignage essentiel pour mieux comprendre le génocide Indien orchestré par un peuple assoiffé de sang et de puissance. Paru dans la somptueuse collection Terre Indienne de chez Albin Michel en 1992 (le texte original date de 1977), il a été réédité en poche en 2021, il est un incontournable de l’Histoire Indienne, et traduit par Simone Pellerin.
« Ils nous ont fait des promesses, dit un vieux Sioux, plus que je ne peux me rappeler, mais ils n’en ont tenu qu’une seule : ils nous ont promis qu’ils nous prendraient nos terres, et ils ont tenu parole ».
(Warren
Bismuth)
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