Sous-titré « tragédie du cycle menstruel », cette pièce de théâtre est un dialogue entre ELLE – une femme, une anonyme – et le chœur des femmes, de toutes les femmes, dialogue parfois interrompu par des réflexions de l’Homme, son compagnon ignorant tout des douleurs menstruelles, être odieux et ignorant, se plaçant en position de victime. ELLE souffre terriblement lors des premiers jours de règles, elle s’en confie au choeur, qui lui donne force conseils et analyse sa souffrance. Certaines femmes de ce chœur ont décidé de s’en remettre à la foi pour moins éprouver le mal physique, d’où certaines pensées ou conseils passéistes.
La pièce amorce des allégories politiques, sans jamais insister, mais le message est clair : « Mes chers « amis rouges » / je vous hais ». Le sang menstruel se mêle à celui des soldats qui tombent pour la patrie. Douleurs atroces, difficultés dans la vie professionnelle, notamment pour ces femmes pratiquant un travail très physique dans une ferme par exemple, un mal qui englobe toutes les classes sociales sans exception. L’homme présent, où figure la misogynie, est l’occasion pour le choeur de rappeler l’omniscience masculine dans nos sociétés : « Je vous soutiens. / Si les hommes / avaient des règles, / il y a belle lurette / qu’une loi aurait été adoptée. / Et les pantalons pleins de sang / seraient la norme. / Et on distribuerait / des protections gratuitement ! ».
Poésie en vers libres, féministe et revendicative, texte-tract de ces femmes qui culpabilisent de leur épreuvre menstruelle sous la domination masculine, qui ne vivent pas toujours bien un éventuel désir entre deux cycles, qui souffrent de souffrir, pas uniquement physiquement. Et si la fécondation était la solution pour stopper le cycle et les douleurs ?
Viennent ces SPM, symptômes prémenstruels savamment expliqués par l’autrice russe Olga Chiliaeva, en un monde où la domination favorise le harcèlement, un peu partout dans des lieux publics ou privés. Les remarques désobligeantes, et pourtant si « naturelles » de la part des hommes, du moins en pensée : « Je te fais du mal / parce que la vie va te blesser, / elle blesse tout le monde - / donc moi, / je te prépare à ça ». Le cynisme est à son comble, le viol, les attouchements sous-estimés par la gente masculine, par la voix politique comme par celle du peuple. S’ensuivent quelques faits divers tragiques, évoqués dans ce texte bouillonnant et révolté, puissant et sans concession.
« 28 jours » est aussi un théâtre pacifiste : « Si les mecs savaient / combien il est dur / de mettre / les gens / au monde, / jamais / ils n’entreprendraient / de guerre ». Hymne à la vie, à la solidarité, à la complémentarité, bataille pour les obtenir. L’une et l’autre. Pas l’une sans l’autre. Ode à la sororité, à l’éducation des hommes. Les deux dernières séquences sont ici proposées dans leur version originale de 2020 puis dans une réécriture de 2022, où l’occupation russe en Ukraine s’immisce, dans une version inédite en Russie.
« 28 jours » est une pièce féministe parue récemment chez Sampizdat éditions, une maison basée à Clermont-Ferrand dont le but est de publier « des textes russophones issus des espaces soviétique et postsoviétique, ainsi que des ouvrages francophones liés à ces aires culturelles et linguistiques », une maison qui travaille avec les communautés théâtrales russes dissidentes et exilées. Je vous en reparle d’ailleurs très bientôt. « 28 jours » fut nominée au Masque d’Or de Russie en 2020. Ici traduite et brillamment postfacée par Pascale Melani, c’est une pièce résolument moderne qui exhume enfin certains grands tabous de la société patriarcale, dans un texte déterminé et politique de Olga Chiliaeva, autrice originaire de Sibérie.
« Je regarde l’enfer dans les yeux » et, croyez-moi, elle n’est pas près de les baisser.
(Warren
Bismuth)
Merci pour cette découverte ! Il pourrait bien me plaire !
RépondreSupprimerÀ tenter en effet !
SupprimerWhaouh, ça a l'air d'être du costaud dans tous les sens du terme...
RépondreSupprimerThème très original et peu développé dans la littérature.
SupprimerComment dire autrement qu'en clamant un "IL ME LE FAUT !" ?
RépondreSupprimerJe ne suis pas très surpris et je pense qu'il pourrait fort t'intéresser.
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