Une
pièce de théâtre militant originale et dévastatrice. Vingt-sept témoignages
bruts comme vingt-sept prises de vues. Voilà pour le format. Le contexte :
le conflit du Kosovo (ex région autonome de la Serbie, elle-même ex partie de
la Yougoslavie, le Kosovo ayant obtenu son indépendance en 2008). Vingt-sept
témoignages de souvenirs à partir de 1989 de victimes ou responsables de cette
guerre. D’un côté les albanais (souvent pauvres) qui peuplent en grande partie
le Kosovo, de l’autre les Serbes, minoritaires, les uns détestant les autres.
Le Kosovo alors occupé par l’armée de Slobodan MILOSEVIC est une poudrière.
L’OTAN s’en mêle en le bombardant en 1999.
Les
témoins vont se succéder pour raconter avec leurs mots, leurs larmes, mais
aussi leurs sourires. Les voix sont diverses, aussi bien albanaises que serbes.
On obtient une sorte de patchwork, vingt sept instantanés (comme le dit
judicieusement le quatrième de couverture) tour à tour violents, désabusés,
pleins d’espoir, des témoins sourient, il sont en vie. Certains récits sont
poétiques ou allégoriques. Quelques dialogues viennent accentuer le sentiment
de malaise, débat parfois stérile ou méprisant.
Ce
« Patriotic hypermaket » est celui où l’on trouve de tout, souvent
pour son grand malheur avec un Kosovo dénigré ou frappé, une autonomie
contestée, et bien sûr la guerre en Yougoslavie qui échauffe les esprits. Le
dernier instantané évoque l’avenir, un avenir sombre, sans échappatoire, une
paix illusoire entre deux peuples qui se sont tellement haïs, tellement fait la
guerre. Cette guerre ne revêt d’ailleurs pas que les habits des armes, des
bombes, mais peut être « simplement » celle du quotidien, deux
voisins qui se chicanent, grognent, se sentent le cul avant de se mordre.
Le
Kosovo semblait l’enfant bâtard de la Fédération de Yougoslavie, mais même
quand cette dernière éclate et tombe, il reste errant, livré à lui-même dans
une situation de survie alarmante. Bref, cette pièce donne la parole à tous les
acteurs, ce qu’ils ont vu, fait ou ne pas fait, leur quotidien (l’enfer
incarné), la peur du lendemain. Quel lendemain d’ailleurs ? Juste quelques
pages, souvent bouleversantes, et hop ! on passe le micro pour rendre
compte de l’horreur, comme s’il n’était pas besoin d’en tartiner de longs
chapitres pour expliquer, et puis les mots manquent, les témoins sont encore
sous le choc, une vie de famille dynamitée, un avenir bouché, une paix
impensable.
La
préface de Bernard DREANO est une véritable mine d’informations. Encore une
fois, en quelques pages seulement, la situation du Kosovo est exposée, sans
trémolos ni langue de bois.
Pour
offrir une vision plus juste au lectorat, définir au mieux cet enlisement, quoi
de plus pertinent que de réunir une auteure serbe et un auteur kosovar ?
C’est pourtant le cas ici pour une approche au cœur du conflit.
Ce
sont (bien sûr ! serais-je tenté d’ajouter) les Editions L’ESPACE D’UN
INSTANT qui nous font partager ce moment de mémoire collective sur une Histoire
trop peu connue par nos contrées, un électrochoc en papier sorti en 2016.
(Warren Bismuth)
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