L’attirail complet d’un certain registre
de roman western est ici réuni. Certes il n’y a ni indiens, ni trains, ni
bétail. En revanche présence imposante – et c’est un euphémisme - du bon vieux
cowboy solitaire en la personne de John Bernard Books, l’une de ces légendes de
l’ouest spécialiste dans l’art du maniement de revolvers en état de légitime
défense (ou supposé comme tel). À 51 ans, il apprend de la bouche du bon
docteur Hostetler, qui lui avait autrefois sauvé la vie après qu’une vilaine
balle ait crevé sa peau quelque part, qu’il est atteint d’un cancer dont il ne
réchappera pas. Nous sommes le 22 janvier 1901, la reine Victoria d’Angleterre
vient de casser sa pipe ce même jour.
Le journal de ce 22 janvier va rythmer la
désormais fin de vie de Books qui va le feuilleter jusqu’à l’ultime ligne en
direct de la chambre qu’il a louée à El Paso dans la bonne auberge de la veuve
Rogers dont le fils Gillom est fasciné par la personne de Books et désire même
lui ressembler jusqu’au mimétisme. Madame Rogers, tout d’abord très rétive à la
venue inopinée d’un type au CV aussi chargé (plusieurs dizaines de morts à son
actif) finit par s’assagir et tous deux vont s’apprivoiser.
Côté Books, la nouvelle de sa mort
prochaine se répand comme une traînée de poudre et de nombreux professionnels
vont user d’inventivité pour gagner de l’argent sur le cadavre ou le souvenir
de Books. Ils vont tour à tour défiler dans sa chambre pour lui faire des
propositions plus ou moins malhonnêtes. Même l’ancienne maîtresse de Books va
venir tenter sa chance en l’amadouant. Bien sûr, devant de telles cupidités,
les armes vont s’exprimer, pas toujours de la plus brillante des manières. Si
d’un côté Books prépare sa mort (il sait que ce fameux journal du 22 janvier 1901
est le dernier qu’il lira de toute sa vie), il est contraint à agir rapidement
avec certains freluquets qui voudraient abuser de lui. Et puis à El Paso vivent
aussi de fines gâchettes, des sortes de concurrents dans la réputation, des cadors,
des caïds qu’il souhaiterait expédier à tout jamais dans un grand trou. Pour tenir
le coup (de fusil), il va avoir recours au laudanum, puissante drogue liquide
qui l’aidera à anesthésier les douleurs de plus en plus fréquentes et insupportables.
Un western à classer définitivement parmi
les classiques du genre, une franche réussite. Puissant, lent, l’atmosphère
poussiéreuse est parfaite pour un carnage final entre les murs encore
tremblants du saloon Le Constantinople, l’auteur s’amusant à ce moment-là à
faire partager son goût et sa connaissance pour l’anatomie humaine. Précision
et cours professoral en règle. Ce héros solitaire, Books, prend tout de suite
aux tripes, un peu comme certains personnages inoubliables de la saga
« Lonesome Dove » de Larry MCMURTRY (dont je ne venterai jamais assez
les mérites).
Pour en revenir à ce « Tireur »,
je dois partir sans tarder à la chasse à l’adaptation de Don SIEGEL sous le nom
« Le dernier des géants » sortie au cinéma en 1976, avec John WAYNE
dans le rôle principal, ce film manque à ma culture personnelle, et la lecture
du roman m’a comme qui dirait donné une envie irrépressible de me frotter au
film. Ami.e.s mécènes bienvenu.e.s.
« Le tireur » n’est pas une
vraie nouveauté, loin de là, puisqu’il paraît tout d’abord en 1975 en français
sous le nom « Une gâchette ». C’est en 2012 qu’une nouvelle
traduction sortie chez Gallmeister le renomme « Le tireur », 20 ans
après la mort de l’auteur. Une réédition poche vient tout juste de sortir, à
nouveau chez Gallmeister. Et je vous conseillerais bien de ne pas la louper,
histoire que la poudre ne parle pas une nouvelle fois. Vous voilà prévenu.e.s.
https://www.gallmeister.fr/
(Warren Bismuth)
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