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dimanche 28 octobre 2018

Denis RIGAL « Un chien vivant »


Denis RIGAL se considère comme un chien vivant. Étudiant en France en pleine guerre d'Algérie, il va de fait se trouver sursitaire pour son incorporation à l'armée (donc en Algérie) jusqu'aux accords d'Évian de 1962. Mais rembobinons le film : RIGAL est un fils d'anarchiste, lui-même plutôt orienté vers l'anarcho-syndicalisme et les idéaux libertaires. Natif de Brioude, Haute-Loire, il « monte » à Clermont-Ferrand, préfecture du Puy de Dôme, dans les années 50 pour ses études. Là, en plus de la grande ville, il découvre d'un côté la passion de la littérature, de l'autre le militantisme dit de gauche, celui qui s’oppose à la guerre.

Clermont-Ferrand possède un évident ancrage contestataire, syndicaliste, militant. Pour RIGAL c'est le lieu rêvé. De manifs en meetings, il va peaufiner ses convictions, se frotter à l'extrême droite, s'asseoir sur certaines illusions ou utopies politiques. Dans ce petit bouquin il raconte la vie dans une ville moyenne de province alors que l'on est étudiant, militant, et que la guerre se déroule, loin, de l'autre côté de la Méditerranée.

Plus prosaïquement il rappelle la vie locale, purement auvergnate, purement clermontoise : les ouvriers de Michelin, les rues de Clermont, les petits bistrots, les rapports tendus entre français et immigrés, le racisme ambiant. Mais la révolte, mais l'engagement politique, syndical, et puis les « traditions » sociales locales. Pour embaucher chez Michelin par exemple : « Avant d'embaucher un jeune rural, on se renseignait auprès des notables du village : le maire, pourvu qu'il soit de droite, et le curé ; jamais l'instituteur ; je suppose que les choses ont changé : il n'y a plus beaucoup de prêtres, on ne peut même plus être certains qu'ils votent à droite et un bon nombre d'entre eux ne considèrent pas que le service de dieu doivent inclure la délation ».

Mais attention, ce n’est pas du tout un récit nombriliste puisque l’auteur va brièvement rappeler les évènements de Budapest en 1956 ainsi que la « disparition » de Maurice AUDIN en 1957, des petites touches très politiques qui viennent des tripes et, tout en restant objectif, il dénonce et prend position : « Mais il faut d’abord, dit la sagesse populaire, balayer devant sa porte : notre conscience avait à s’occuper des crimes de l’Armée française, qui se commettaient en notre nom, et qu’on nous demandait d’approuver ; pour les torts du FLN, c’était à ses militants de s’en soucier (ce que très peu faisaient). La question obsédante était la même pour tous les jeunes français : comment éviter de faire cette guerre ou, pour ceux qui y étaient, en revenir vite et vivants ».

RIGAL est ce vieux bonhomme toujours lucide qui se souvient. Il avait pensé à la désertion. La fin de la guerre sans nom tranchera pour lui. Ce qu'il est devenu, il ne le dit pas. Pour lui l'essentiel est de déterrer les souvenirs d'une période précise, celle de la guerre d'Algérie, en un lieu très précis, celui de l'Auvergne, et faire revivre toutes ces organisations politiques et syndicales qui se déchirent à l'époque sur la situation outre-mer. La parution de ce petit bouquin est l’œuvre des Éditions L'Apogée en 2018, un témoignage vif et sans nostalgie, livré comme un bouquet de fleurs épineuses.

http://www.editions-apogee.com/

(Warren Bismuth)

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