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dimanche 9 février 2020

Marie COSNAY « À notre humanité »


Le livre s’ouvre sur un court portrait de Gustave COURBET, peintre du XIXe siècle, acteur de la Commune de Paris en 1871, accusé d’être l’un des instigateurs de la destruction de la colonne Vendôme. Cette Commune, Marie COSNAY va la décrire, au présent, se rapprocher des barricades, au plus près. D’autres figures marquantes de cette révolution manquée vont être dépeintes dans ce récit résolument politique.

De l’intrépide Gustave FLOURENS à Charles DELSCLUZE ou Eugène VARLIN, Auguste VERMOREL (tous quatre paieront leur engagement de leur vie) en passant par l’insaisissable Louise MICHEL et son ami Théophile FERRÉ sans oublier les frères Élie et Élisée RECLUS, Maxime LISBONNE (entraperçu) mais aussi les anonymes, tous ceux et toutes celles (car les femmes furent nombreuses à se battre) qui ont construit la Commune, cette utopie prenant vie au cœur de la capitale française alors exsangue. Les noms des victimes tuées sur le champ de bataille vont être égrenés, comme sur un monument commémoratif.

Marie COSNAY raconte, revient chronologiquement en arrière comme si elle avait oublié des détails en chemin. Elle s’est en partie basée sur l’une des plus grosses références de cette insurrection, l’indispensable « Histoire de la Commune de Paris » de Prosper LISSAGARAY écrite dans le feu de l’action (lecture marquante il y a pourtant bien longtemps). L’auteure expurge avec minutie, livrant l’essentiel dans le chaos assourdissant d’une période où le chassepot donne le rythme. « À Satory, 1685 prisonniers sont enfermés, les uns contre les autres, dans un magasin de fourrage. Ils se relaient pour s’allonger un moment sur la paille humide et n’ont pour boire que l’eau de la mare où pissent les gardiens ».

Retour en arrière avec le sinistre Arthur de GOBINEAU (qui sera aussi romancier) et ses écrits sur l’inégalité des races dès 1853, Marie COSNAY en profite pour glisser quelques lignes sur la colonisation. L’Histoire se croise, s’entremêle, notamment par la figure d’Emmy/Madeleine qui traverse avec souffrances ce XIXe siècle.

Et ces questions, incessantes, nécessaires : « À quel besoin de l’homme répond l’action révolutionnaire ? La solitude est-elle l’essence de la condition humaine ? Quels sont les nombreux facteurs, éminemment dignes d’intérêt, d’où naissent les actions révolutionnaires de masse ? ».

Étape essentielle avec le programme de la Commune, égalitaire, inconcevable pour les troupes réactionnaires de Versailles, d’où les exécutions sommaires, la Seine qui se teinte de rouge, témoin privilégié d’une barbarie sans nom. Ce livre est un hommage sans conditions à celles et ceux qui ont essayé, pensé sinon la révolution, en tout cas la révolte et l’insurrection.

Marie COSNAY n’est pas naïve, elle rappelle les nombreux infiltrés au sein des Communards, les flics déguisés en émeutiers. Et puis les écrivains qui se sont levés contre ce dangereux idéal : George SAND, Gustave FLAUBERT, Alphonse DAUDET, Théophile GAUTIER, ces bourgeois qui craignaient pour leurs privilèges personnels.

La Commune, mais pas seulement : images brèves d’un Henry-David THOREAU construisant les fondements d’une société égalitaire et apaisée aux États-Unis, de ce Père Ramon SENDER combattant avec les anarchistes dans l’Espagne de 1936. Le livre se clôt au Paraguay. L’insurrection a sa place partout, préconisée et déifiée.

Dans une année, nous fêterons les 150 ans l’avènement de la Commune de Paris, peut-être avec flonflons et force espoir, certainement avec le respect qui s’impose. Ce bouquin est là pour nous permettre de réviser un peu plus l’Histoire, et pourquoi pas recommencer ? Sorti en 2012, pour la version papier ce sont les impeccables Quidam qui ont permis la parution. Pour la version électronique, ce sont les non moins talentueux publie.net, on ne peut que s’en réjouir.



(Warren Bismuth)

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