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lundi 22 juin 2020

Larry MCMURTRY « Lune Comanche »


Ce tome, le deuxième dans la chronologie du déroulement de la série « Lonesome Dove » mais le quatrième et dernier dans l’historique d’écriture, se déroule lui aussi entre le Texas et le Mexique durant la décennie 1850. Nous vous avons déjà présenté le titre éponyme de cette série, premier écrit (en 1985) mais troisième (dans les années 1875) dans l’historique de l’action, chroniqué ici, tout comme nous vous avons déjà parlé de « La marche du mort », écrit en troisième position en 1995, mais se déroulant avant tous les autres (son action se situe dans les années 1840), présenté ici. « Lune Comanche » fut rédigé en 1997.

Nous retrouvons nos deux fiers Texas rangers Augustus (Gus) et Woodrow pour de nouvelles aventures, ainsi que leurs amis et bien sûr, leurs ennemis, qu’il faut chercher du côté de certaines tribus indiennes. La présente aventure commence dans une tempête de neige. Cette série est en partie basée sur les vols de chevaux à répétition. C’est encore le cas ici, où Kicking Wolf, un indien diablement doué arrache au nez et à la barbe des rangers quelque vingt chevaux. En parallèle, un autre indien, rusé et sans pitié, Buffalo Hump, et son fils pas toujours bien obéissant, Blue Duck. À la tête des rangers, l’impressionnant capitaine Scull.

Un roman de la poursuite : les rangers recherchant Kicking Wolf mais eux-mêmes pistés par Buffalo Hump et sa bande. Puis tout va se bousculer lorsque l’infatigable Kicking Wolf va subtiliser Hector, le cheval quasi mascotte du capitaine Scull, rapt survenu alors que le canasson était en train de pisser (c’est là que les chevaux, dit-on, sont le moins agressifs). Scull demande à son armée de faire demi-tour, lui seul (accompagné toutefois par Famous Shoes) ira traquer la tribu de Kicking Wolf, à pied. Mais Scull va se retrouver prisonnier de l’intraitable Ahmumado, alors que Gus et Woodrow seront nommés capitaines.

Ce volet est le plus dur dans son aspect violent : on tue des hommes comme des insectes, on découpe les paupières pour que les prisonniers ne puissent plus fermer les yeux, on exécute des chevaux, on tire sans discernement, les actes de barbarie se multiplient et sont finement détaillés, parfois jusqu’au malaise. Il y a certes les histoires d’amour, mais pas bien jolies-jolies : Gus amoureux de Clara, mais cette derrière va se marier avec un autre, quant à la femme de Call, prostituée, elle est enceinte et il se pourrait fort que ce soit de lui. Scull aussi est marié, sa femme étant une sorte de nymphomane de saloon.

Ce roman est aussi celui de la mémoire, l’histoire d’un Texas pauvre, de la guerre de Sécession (qui vient faire un petit coucou au milieu des champs de batailles texans), les lois esclavagistes dans un pays en pleine construction. Certaines images sont fortes, comme ce Scull enfermé dans une cage elle-même suspendue à une falaise, et c’est de cette cage qu’il parvient à tuer des oiseaux (eux sont en liberté, et lui à leur place) afin de se nourrir. Et puis ces mille vaches que Gus et Woodrow doivent ramener à la troupe d’Ahumado en échange du même Scull. Et nous n’allons pas manquer d’assister à la construction de la ville de Lonesome Dove.

MCMURTRY revient judicieusement par épisodes sur les superstitions, les rites, les us et coutumes : « Les chasseurs blancs, avec des fusils si puissants qu’il pouvaient tirer presque jusqu’à l’horizon, tueraient les hommes-médecine. Worm avait été tué par un de ces fusils à longue portée ; le vieux Worm était déjà fou, à l’époque. Il s’était badigeonné d’une potion faite à base de glandes de fouine et de fientes d’aigle, convaincu qu’elle arrêterait les balles de fusils – un chasseur de bisons qui visait bien lui avait prouvé le contraire ».

Attention : MCMURTRY ne se positionne pas en pro-blancs, il fait la part des choses, assez intelligemment par ailleurs. Il n’oublie pas que ce sont les blancs qui sont venus déloger les indiens, tout comme il se rappelle les violences exercées par ces mêmes blancs sur la nature : « Des Indiens pensaient que les Blancs pouvaient faire trembler la terre ; ils pouvaient peut-être aussi faire tomber des montagnes entières. À la guerre contre les americanos, Ahumado avait vu de ses propres yeux les petits canons des Blancs faire tomber une grande église et plusieurs bâtiments. Quand les boulets frappaient la terre, ils la déchiquetaient affreusement. Ahumado était un enfant de la terre ; il n’aimait pas la façon dont les armes des Blancs la blessaient et la tourmentaient ».

Saga absolument somptueuse et riche, qui, au-delà du mite du western très alcoolisé, aborde de nombreux sujets, comme par exemple et de manière très pertinente, la destruction de masse des bisons afin d’affamer les indiens, ou encore la guerre de Sécession. Le souci majeur est le suivant : « Streets of Laredo », écrit en deuxième (en 1993) mais bien quatrième et dernier quant au déroulement de l’histoire (les années 1890), n’a toujours pas été traduit en France. Connaîtrons-nous un jour la vraie fin de cette fresque palpitante ? Espérons que Gallmeister saura nous la proposer un jour, comme il a su nous proposer les trois autres volumes qui restent désormais pour moi comme l’un des grands classiques du roman de western, avec des personnages inoubliables.

http://www.gallmeister.fr/accueil

 (Warren Bismuth)


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