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mercredi 26 mai 2021

Michèle AUDIN « La semaine sanglante – Mai 1871, Légendes et comptes »

 


Comme le titre l’indique parfaitement, il va être question de comptes, de chiffres, de tentative de bilan dans cet essai paru chez Libertalia pendant les commémorations du 150e anniversaire de la Commune de Paris. Le nombre de morts durant cette révolution prolétarienne est peu connu. Et pour cause…

 

Michèle AUDIN s’attaque à un travail de fourmi, d’historienne très méticuleuse. Si elle se base sur des écrits plus ou moins anciens ayant déjà traité le sujet, c’est pour mieux les contrer, expliquer minutieusement certaines improbabilités, même si elle reconnaît le sérieux des travaux fournis à un instant T, avant l’arrivée de données supplémentaires qu’elle possède désormais.

 

Tout d’abord, rendre compte des chiffres donnés antérieurement, et les confronter aux avancées de la science, aux nouvelles façons de comptabiliser, faire resurgir les corps oubliés, etc.

 

Michèle AUDIN va scruter avec ardeur les registres d’époque, ceux ayant trait aux morts dans Paris et dans les villes proches durant cette brève période de la Commune de Paris (18 mars-28 mai 1871). Oui mais ne pas omettre les combattants morts avant, c’est-à-dire ces communards qui ont péri sur le champ de bataille avant l’avènement du 18 mars. Et contrairement aux travaux précédents, démontrer avec une grande perspicacité les morts de la Commune après qu’elle fut renversée, des suites de blessures, d’assassinats (nous verrons dans cet ouvrage qu’après le 28 mai, les exécutions sommaires se poursuivront d’effrayante manière).

 

Les archives des cimetières parisiens ou de la banlieue proche où avaient eu lieu des échauffourées sont passées au peigne fin. Michèle AUDIN œuvre magistralement, bout par bout, les chiffres, nombreux, donnent le tournis. Chaque archive est épluchée, disséquée, analysée au plus près. L’historienne raconte sa manière de procéder, étape par étape.

 

Elle insiste sur les barricades, celles des femmes notamment, des barricades dont on ne sait pas grand-chose, puisqu’il est évident que les combattants sur le terrain n’avaient guère le temps d’écrire, ce qui ne fournit pas toujours la matière première nécessaire pour les spécialistes, peu d’informations étant disponibles (certaines ont été détruites). Projet ambitieux et impressionnant. Car Michèle AUDIN parle aussi des viols commis, des abus en tous genres, la barbarie à l’œuvre dans une guerre violente. « Toutes les fois que le nombre des condamnés [Communards, nddlr] dépassera dix hommes, on remplacera par une mitraillette les pelotons d’exécution ».

 

La semaine sanglante (21-28 mai 1871) est examinée avec un rare soin, c’est là que tout se joua, que l’ignominie parvint à son paroxysme. Michèle AUDIN rappelle comment parfois on enterrait les victimes, dans une fosse commune, le plus vite possible. Elle s’attarde aussi sur les légendes, en démontre l’impossibilité ou l’exagération notoire.

 

Les corps furent parfois retrouvés des décennies après la Commune, notamment lors de travaux de terrassements dans Paris. Forcément, ces cadavres n’avaient jamais été comptabilisés…

 

Remarquable travail, qui ne donne pas un chiffre exact, mais tend à se rapprocher au plus juste du nombre des combattants tombés. Le nombre ne sera jamais connu. Mais l’estimation de Michèle AUDIN ne paraît pas farfelue, d’autant qu’elle a su expliquer sa démarche. Alors 15000 morts ? C’est possible, d’ailleurs l’autrice met un point d’honneur à ce que ces chiffres avancés ne soient pas vus comme une sorte de voyeurisme pour sensations malsaines mais bien collant au plus près de la tragédie. Un essai original et sérieux à découvrir.

 

Les éditions Libertalia nous offrent cette aubaine avec leur talent habituel pour proposer des textes allant à contresens de l’Histoire, mais jamais de manière évasive ni dogmatique. Paru récemment, ce livre, par ailleurs accompagné de photographies ou peintures d’époque, mais aussi d’un index et d’une massive bibliographie, nous replonge dans cette période somme toute mal connue, avec les fortes tentatives de récupérations politiques diverses, donc déformant forcément une partie de la vérité. Michèle AUDIN tient à rétablir certains faits et s’y prend de manière magistrale et convaincante.

https://www.editionslibertalia.com/

(Warren Bismuth)

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