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dimanche 2 mai 2021

Jean CASSOU « Les massacres de Paris »

 


Dans ce roman de 1935, Jean CASSOU (1897-1986) place son action en France en 1870 et 1871. Le héros et narrateur s’appelle Théodore Quiche, ami de Siffrelin, un ancien quarante-huitard ébéniste investi dans les milieux de luttes sociales qui va faire son éducation politique.

Le récit débute exactement le 1er janvier 1870. Théodore est issu d’un milieu pauvre et doit travailler sous la férule d’un oncle autoritaire, Joséphin. Il fait connaissance plus en profondeur avec Clémence et Adélaïde, les deux filles de Joséphin, finit même par les convoiter.

Dans cette première partie est mise en scène la vie d’une famille moyenne juste avant et pendant la guerre franco-prussienne de 1870. De cette guerre, nous ne saurons pas grand-chose, sinon que la France essuie une véritable débâcle du côté de Sedan. Théodore découvre la lutte sociale et se politise.

Ellipse de quelques mois qui nous amène à la seconde partie, commençant le 1er janvier 1871, après la défaite de la France et avant l’invasion imminente de l’armée allemande alors aux portes de Paris. Le pays crève de faim, les conditions de travail et de vie sont désastreuses, les miséreux se multiplient, le peuple gronde et va se révolter. Théodore fait partie du Comité Central Communard.

Puis survient la Commune, avec son cortège d’espoirs, d’autogestion et de liberté. Au début du déclenchement de celle-ci, soit dès le 18 mars, Théodore tient un cahier, qu’il abandonne bien vite devant la précipitation des événements. Parallèlement il tombe amoureux de Marie-Rose, c’est avec elle qu’il va combattre au sein des communards.

Historiquement, même s’il n’entre pas dans les détails, hormis pour quelques scènes majeures de la Commune de Paris, en revenant plus longuement sur la semaine sanglante (21/28 mars 1871), ce roman est convaincant, CASSOU utilisant l’outil déjà souvent éprouvé en littérature française, faire vivre un héros fictif au sein d’un événement historique, avec ses repères et ses portraits croisés sur le terrain. Car Théodore rencontre pas mal de figures majeures de La Commune. En revanche, pourquoi accorder autant de place à une histoire d’amour à l’eau de rose, y compris sur les barricades ? Ce procédé alourdit le récit, pouvant même le décrédibiliser. Et ne parlons pas de l’espionnage d’une conversation entre Napoléon III et Joséphine par le sieur Théodore, scène longue frisant le grotesque.

Mais quelques scènes flamboyantes viennent poindre et donnent du volume : « Vois-tu, c’était peut-être un voltairien, mais nom de Dieu, faudrait pas qu’on touche aux curés ! Ni aux sergents de ville ! Ni à la rente française ! On blague, mais on ne plaisante pas. Eh ! Tu l’as eue, ta petite minute d’héroïsme… Le sourire aux lèvres, la rose entre les dents, le cœur haut placé, tu es mort à la française, quoi ! Tout à la française, la rente, les bonnes vieilles chansons… Ton chapeau sur l’oreille, ta badine à la main, tu es allé leur faire voir de quel bois ça se chauffe, un chevalier français, hein ? Qu’est-ce que c’est que ces voyous, qui se permettent… Nous sommes chez nous ici. Nous sommes d’honnêtes gens. C’est à nous, la place Vendôme. Et la Bourse, et les bordels qui sont autour. Nous sommes des français de vieille roche. Nous représentons la galanterie, le libéralisme, les arts d’agrément et la foi de nos pères. Faites vos jeux ! Honneur aux dames ! En avant, les flambards et vive la cascade ! Et puis voilà, un garde national a tiré dans le tas ».

Mais l’inventivité est peut-être ailleurs : Théodore est poète à ses heures perdues, et la poésie de CASSOU se fait jour lors du déclenchement de la semaine sanglante, comme pour rendre lisible l’insaisissable, donner du relief aux actes odieux des versaillais, quand l’auteur semble se fondre dans son héros. Certes, « Les massacres de Paris » n’est pas un immense roman, pourtant il permet de se replonger dans la Commune de Paris et son utopie détruite. Il aurait pu être un roman fort sans ces interminables passages où les amoureux Marie-Rose et Théodore se regardent avec des yeux pleins de cœurs. Les romans se déroulant pendant cette période de l’Histoire de France ne sont pas légion, ils l’étaient encore moins dans les années trente, alors remettons celui-ci dans son contexte et savourons-le au moins en partie pour sa documentation historique. Gardons le plus intéressant pour la fin : il est un témoignage certes indirect mais un vrai hommage aux femmes combattantes de la Commune, celles que l’Histoire a trop eu tendance à oublier, rien pour cela il ne doit pas être laissé de côté.

 (Warren Bismuth)

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