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mercredi 16 mars 2022

Charlotte MONÉGIER « Elle et lui »

 


Ce pourrait être un vrai couple constitué, cette femme et cet homme qui échangent, ce pourrait être une sorte de fusion immobile, sous une couette, bien lovés, loin des bruits. Mais non.

Deux êtres. Ils s’aiment. Mais son cœur à lui est pris. Par une autre. Dans une longue poésie, Charlotte MONÉGIER tisse ce cocon d’amour, avec ses trous, ses fuites, ses fantasmes non assouvis. Cet amour est un voyage, qu’importe le moyen pourvu qu’on ait l’ivresse : des bateaux qui déchirent la mer, des gares qui attendent les trains, pour des voyages qui se voudraient toujours plus lointains. Retour dans les grandes métropoles avec l’évocation du métro. À ce titre l’autrice reprend ses ingrédients dilués dans « Voyage(s) », les renforcent.

Ce livre est sous-titré dialogue poétique. Quand parle la femme ? Quand s’exprime l’homme ? Parfois c’est l’imagination qui décide, d’autres fois la conjugaison. Ce texte sent la nostalgie, la mélancolie, une période révolue de l’amour. Des mots reviennent, comme aimantant tous les autres : peau, lèvres, corps, pour un amour non consommé, mais le sera-t-il ?

Des images claquent, s’imposent :

« J’étais encore jeune homme

Ma mère et mon père étaient partis

Vendre des larmes au marché

Ils sont faiseurs de larmes

À leur contact souvent je coule

J’en ai profité pour me promener

Une voiture m’a pris

Pour me laisser à Houlgate

J’ai marché jusqu’aux Vaches Noires

Ces roches aiguisées

Dangereuses et altières

Qui dominent le sable et l’immensité de la mer »

Poésie libre, en vers qui le sont tout autant, rimant ou non, à la ponctuation avare comme pour rendre la lecture attentive. Pourrait être intemporelle si la technologie, certes furtive, par le biais des moyens de transports ne venait pas donner quelques indices. Ce dialogue pourrait être intimiste dans un absolu huis clos si une narration ne venait pas l’interrompre, servant de métronome, d’arbitre.

« Je cours après mon souffle, la jeunesse qui ne part pas

Et ce petit je ne sais quoi

Qui fait tomber mon cœur lorsqu’il entend ta voix

Je cours comme ça, dans l’ascenseur

Un peu coincée, la tête ailleurs

Je cours car je ne veux plus marcher

Je cours pour avancer

Et parfois dans mon dos

Surgissent les traces d’autrefois »

 

L’érotisme vient faire de très discrètes visites derrière un voile pudique. L’essentiel est ailleurs, dans des mouvements simples, répétés, qui font apparaître les sentiments.

Ce petit livre dont la couverture de Stanislas VARIN-BERNIER (2020) est par ailleurs un ravissement, vient de sortir aux éditions Lunatique. Parallèlement, Charlotte MONÉGIER fait paraître un roman « Nulle part ailleurs sur la terre » aux éditions Livres Sans Frontières.

https://www.editions-lunatique.com/

(Warren Bismuth)

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