Cette pièce de théâtre grecque met en scène quatre amis de différentes nationalités, anciens étudiants à Athènes en 2008 dans le cadre du programme Erasmus, qui se retrouvent dans un restaurant de cette même ville quinze ans plus tard. Ils tentent de se remémorer ce qu’ils ont vécu ensemble, dans la chaleur d’un pays alors en crise.
Les quatre protagonistes sont interrompus par l’auteur énonçant des faits politiques majeurs de la Grèce contemporaine. 2008 : assassinat d’un jeune homme de 15 ans par la police, s’ensuivent d’immenses manifestations dans un pays touché de près par l’inflation, le chômage et la corruption. La dette du pays est abyssale et les solutions impossibles à trouver. S’invitent dans le texte trois personnages d’importance : la chancelière allemande, la présidente française du Fonds Monétaire International et le premier ministre grec. Eux aussi échangent à propos de la situation politique critique et se révoltent contre l’Union Européenne.
Soudain Prométhée, titan de la mythologie grecque, surgit pour un monologue révolutionnaire. « Pour l’être humain, se soulever est une action, mais aussi une menace. On fait cette démarche d’aller à la rencontre de soi-même tout en rejoignant les autres dans l’espace public, non pas pour dépenser son argent, travailler ou se distraire, mais pour réfléchir, pour rencontrer les gens et leur faire connaître son désir. Et ça, c’est une prise de risque ».
Les quatre amis reprennent leur conversation quand une sombre affaire de portefeuille trouvé, ancienne, vient ranimer des différends. La discussion d’envenime et tourne en dispute. Les phrases sont martelées, répétées, et ne sont pas sans rappeler l’atmosphère suffocante de la récente pièce « Proches » de Laurent Mauvignier. Pièce articulée en quatre tableaux : les jeunes gens discourant, les trois élites internationales, l’auteur dans son rôle de rapporteur des faits politiques et Prométhée qui vient raviver la flamme sociale.
« Les gens sont des monstres ». Car oui, le peuple est à bout de souffle et la révolte gronde. « L’oiseau de Prométhée » est indéniablement une tragédie grecque moderne, où le contemporain vient faire écho au classique. Elle est ambitieuse par le fait qu’elle propose quatre plateaux en moins de 125 pages, et que jamais Christos Chryssopoulos ne perd le fil de sa pensée, qu’il déroule intelligemment et pertinemment tout au long de son récit. Il fait vivre quatre atmosphères complémentaires.
Cette pièce est d’un grand intérêt dans sa manière originale d’évoquer la crise financière grecque, d’en dénoncer les rouages, d’en tirer une leçon. Christos Chryssopoulos ne laisse pas son lectorat dans l’ignorance, il prend la parole pour étayer, préciser les échanges entre ses personnages, il distille çà et là quelques pages journalistiques sur la situation politique de la Grèce. Le ton est grave mais jamais miséreux.
Parallèlement à son écriture, « L’oiseau de Prométhée » fut joué pour la première fois à Rouen en novembre 2023, au moment où était publié le texte aux éditions Signes et Balises de Anne-Laure Brisac. C’est d’ailleurs elle qui traduit ici cette pièce, comme elle a déjà traduit tous les livres de Christos Chryssopoulos parus en France. L’aventure continuera d’ailleurs prochainement, avec un autre ouvrage de cet auteur, « Alma », toujours chez Signes et Balises, alors que les éditions La Contre Allée s’apprêtent à faire paraître « Marseille, toujours ».
https://www.signesetbalises.fr/
(Warren
Bismuth)
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