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dimanche 1 décembre 2019

Zusman SEGALOWICZ « Une révolution au jour le jour »


Le titre dit à peu près tout. Rajoutons la date : 1917, et vous saurez qu’il s’agit ici de chroniques, d’une sorte de journal de bord au cœur de la Révolution russe. L’auteur, né en 1884 dans une région de la Pologne à l’époque détenue par la Russie, écrit en Yiddish. Ce livre est aussi un périple puisque SEGALOWICZ va aller prendre la température à Moscou, Petrograd, en Ukraine, Crimée et Biélorussie, le tout entre 1917 et 1919, dans un pays de quelque 160 millions d’habitants.

Il va vivre certes au cœur de l’action, mais dans un relatif détachement, car somme toute sous couvert de neutralité. S’il vibre pour la Révolution en préparation, il n’en fait pas un but ultime, il observe, constate que sous le tsarisme tout n’était pas si noir. Il voit les affrontements en cours entre les rouges et les blancs, mais c’est loin d’être une partie de football.

Le tsar Nicolas II abdique en février 1917. Commencent des négociations entre les différentes factions de la « gauche » qui durent plusieurs mois. Tout ceci fait aujourd’hui partie de l’Histoire mais lorsque SEGALOWICZ écrit dans son carnet, la situation explosive est vécue en direct. Il ne fait cependant pas l’impasse sur l’année 1905 qui a vu une première approche, une première tentative de prise de pouvoir. Il se souvient, il note comme des bribes, des souvenirs lointains, précis ou non.

Dans ses déplacements, l’auteur, lui le juif, remarque partout une montée violente de l’antisémitisme, se sent touché au cœur, pour lui, pour son peuple. Il note une situation tendue et chaotique en Ukraine. Alors que les blancs ne viennent que d’être terrassés et que le pouvoir en place n’en est qu’à ses premiers balbutiements, il s’acharne déjà sur les minorités, ce qui laisse présager une suite peu enthousiaste.

Et puis les anecdotes en direct, plus personnelles, pas directement en provenance du front mais tout aussi innommables : « Je me souviens encore qu’il y avait une pièce où se trouvaient alités une dizaine d’enfants atteints de la rougeole. Un jour où j’étais monté voir ces enfants en compagnie d’une infirmière, nous avons découvert que deux d’entre eux avaient rendu l’âme… et que les vivants jouaient tranquillement avec les morts qu’ils caressaient et prenaient dans leur bras ».

SEGALOWICZ a beaucoup écrit, a connu un parcours riche et dense, a visiblement été relativement connu en son temps. Quoi qu’il en soit, c’est ici la première fois que j’en entendais parler, ce journal est une source fertile en informations. Les éditions Interférences sont coupables de cette publication parue en 2016, la couverture fort attractive également est le détail d’une gravure illustrant la vie de LÉNINE. La traduction ainsi que la préface de l’ouvrage (une biographie rapide de l’auteur), qui ont dû s’avérer coriaces, sont le travail de Nathan WEINSTOCK, bravo Monsieur ! Un bouquin à posséder si l’on tient à se nourrir de détails dans le feu de l’action de la Révolution russe, celle d’avant STALINE, celle qui se construit de manière un peu improvisée, en 1917, au jour le jour.


(Warren Bismuth)

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