À l’occasion du centenaire de la mort d’Alexandre POUCHKINE en 1937, considéré comme le plus grand poète russe de tous les temps, la poétesse Marina TSVETAÏEVA lui rend hommage à sa façon, en poésie bien sûr.
Il serait impossible de cataloguer cet ouvrage tant il est singulier. À travers l’œuvre de POUCHKINE, TSVETAÏEVA évoque ses propres souvenirs de jeunesse, marqués par la lecture du grand Alexandre. Mieux : sa famille déjà très imprégnée par POUCHKINE a de temps à autre reçu ses descendants. Ceci, TSVETAÏEVA s’en souvient, elle les a vus. Les écrits de POUCHKINE et la mémoire de Marina ne font plus qu’un, sentiment qu’elle s’est émancipée grâce à l’œuvre de son maître, que lui seul a su par l‘héritage littéraire lui donner la force et l’envie d’écrire à son tour.
La statue de POUCHKINE, exécutée par le sculpteur OPÉKOVCHINE, que presque tout le monde a oublié depuis, est le fil directeur du récit d’une poétesse engagée. « La statue de POUCHKINE est la preuve – présente – que les théories racistes ne sont qu’immonde et mort, la preuve – présente – que leur inverse, seul, est vrai. Pouchkine est le fait où les théories se ruinent. Avant que le racisme naisse, Pouchkine, par sa vraie naissance même, le ruine ». Cette statue est ici comme déifiée par TSVETAÏEVA (qui se donnera la mort 4 ans après ce texte).
Mais c’est aussi l’occasion pour TSVETAEÏVA de proposer une analyse de l’œuvre de POUCHKINE, qu’elle dissèque sur de courts exemples d’écrits. La prose de TSVETAÏEVA est très poétique, parfois onirique, peut s’avérer ardue à lire. Parle-t-elle de sa jeunesse à elle, de celle de POUCHKINE ou des personnages de ses œuvres ? La mère de Marina fut un pilier en or massif pour lui faire découvrir le poète, mais aussi lui donner certains éléments pour le comprendre.
Mais n’oublions pas le plus important peut-être de ce texte : son titre. En effet, le centenaire de la mort de POUCHKINE est célébré en 1937 en Russie, c’est-à-dire en pleines purges staliniennes, alors que tout le monde semble se réapproprier le poète révolutionnaire. TSVETAÏEVA refuse cette convention en écrivant « Mon Pouchkine », le poète, l’homme exilé, celui dans lequel elle se reconnaît en tant que russe s’élevant contre STALINE. « Mon Pouchkine », c’est celui qui subsiste dans son propre cœur, mais aussi celui qui est sali par cette commémoration.
La traduction de main de maître est signée André MARKOWICZ. Il l’écrivit en 1987, l’année des 150 ans de la mort de POUCHKINE, ce n’est pas un hasard. Nous avons là trois sortes de génies dans un seul et bref livre (sorti en poche en 2012 chez Actes Sud) : une grande poétesse qui rend hommage au plus grand d’entre tous par la transcription du plus grand des traducteurs de la langue russe. Le résultat est certes un brin abscons par instants, mais définitivement de toute beauté.
(Warren Bismuth)
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