J’avais
repéré le nom de Raymond PENBLANC sur le catalogue du Réalgar. Forcément, ceci
ne pouvait qu’attiser ma curiosité. Mais c’est à la lecture de son tonitruant
poème "L'excuse" publié durant le
confinement que j’ai fait connaissance avec son travail d’écriture. Il me
fallait dès lors en savoir plus sur ce bonhomme capable de me captiver à ce
point après seulement quelques dizaines de lignes grinçantes et enragées jetées
sur la Toile. Aussi, décidai-je de me procurer ses trois premiers romans (en
version numérique, les formats papiers étant épuisés) sortis aux tout débuts
des années 1990, romans lus quasiment à la suite (et même relus), j’y
reviendrai dans ce cycle que je consacre à l’auteur, ce sont eux qui m’ont
ouvert la voie vers l’univers de Raymond PENBLANC. Mais pour l’heure place à
cette « Lettre
ouverte à celle qui viendra à son heure sans qu’il soit besoin de la sonner ».
La présente chronique a été augmentée par l’auteur de la nouvelle.
Papillon aux ailes de soie, chat crevé au
ventre bourré d’asticots, couleuvre écrasée, garçon tombé de vélo, vieillard au
crâne lisse et blanc, quelle que soit la cible, elle frappe. Elle, c’est la
Mort bien sûr, femme fatale ou mégère grimaçante, jeune beauté à la chevelure
parfumée, elle peut prendre tous les visages, user de toutes les ruses, de
toutes les séductions.
« En attendant, je te pardonne ta
morgue, ta froideur, tes distances parfois – tu sais te montrer si proche.
C’est simple, je choisis de faire de toi ma confidente, je suis sensible à ta
parole, je l’écoute avec toute l’attention qu’elle mérite, je me laisse prendre
aux séductions de tes miroirs consolateurs ».
Du souvenir d’un oncle récemment décédé à un
cadavre d’enfant accidenté en passant par la Femme choyée mais tombée malade
puis trépassée, la mort semble s’être invitée à la table du narrateur. Fantôme
à la faux très aiguisée, représenté en partie par l’ancienne fiancée, épieuse
et morbide, manipulatrice et perverse, par le frère vindicatif de la Vénérée
disparue, frère dévasté mais accusateur, qui devra bien un jour rejoindre le
trou qui l’attend.
La vie se retire du récit par étape, palier par palier, se déshabille, comme pour laisser place au néant, ce fantôme qui hante l’auteur, toujours plus intimement, dans sa chair et son cœur, dans son âme et sa foi.
Une trame sombre pour une nouvelle brève et violente. Une histoire qui va forcément très mal se terminer, portée par une ambiance délétère, mais non dénuée d’une poésie tragique, ainsi que d’un humour grinçant (déjà présent dans le titre). « Si j’ai passé l’âge (ingrat) du foulard, j’aborde avec la fausse nonchalance qui sied à la seconde adolescence celui des pratiques sexuelles à risques, celui des grosses cylindrées et des voitures de course, celui des duels aux magnums de champagne mal sabrés, celui de la traversée des Chutes du Niagara sur une corde à linge – lequel précède de quelques années seulement celui des armes à feu et des cocktails de barbituriques, du vitriol dans le whisky, des submersions dans les mares de vodka, des mouvements pendulaires au bout d’une cravate de chanvre dans de vieilles chambres mansardées ».
Cette « Lettre ouverte à celle qui viendra à son heure sans qu’il soit besoin de la sonner » est sortie en 2019 dans la très jolie collection Lettres Ouvertes du Réalgar, collection faisant paraître des textes d’inspiration libre d’une vingtaine de pages, chacune écrite par un auteur différent, dont la plupart ont déjà publié au Réalgar. Des récits personnels, poétiques, brefs, tout en souplesse. Certains auteurs vous ont d’ailleurs déjà été présentés sur ce blog pour d’autres ouvrages : outre Raymond PENBLANC, citons Isabelle FLATEN, Jacques JOSSE, Christian CHAVASSIEUX, Eric PESSAN ou encore Laurent CACHARD. 26 titres ont à ce jour été édités et ce serait fort dommage de ne pas aller fouiner dans le catalogue. Ces lettres sont disponibles chacune pour seulement 4.50 euros, et la présentation en est soignée et aérée.
https://lerealgar-editions.fr/
(Warren
Bismuth)
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