Pourquoi le continent Amérique se nomme-t-il ainsi ? C’est ce que Stefan ZWEIG propose de nous faire découvrir dans un bref mais passionnant essai écrit en 1941, quelques mois avant le suicide de l’auteur qui interviendra en février 1942.
Lorsqu’il entreprend l’écriture de ce texte, ZWEIG vient d’émigrer aux Etats-Unis, en Amérique. Cette Amérique dont il serait intéressant de savoir d’où lui vient ce nom. À la manière d’un enquêteur, mais surtout d’un historien, ZWEIG fouille les archives, remonte à la source. Elle pourrait bien apparaître du côté du Portugal, mais d’étonnements en bouleversements, de contrevérités historiques en documents falsifiés, ZWEIG va aller de surprises en surprises.
Les XVe et XVIe siècles sont des époques très fertiles en découvertes géographiques majeures. Parmi celles-ci, l’auteur historien un brin biographe se penche sur le cas du continent américain. Version officielle : Christophe COLOMB, alors amiral du roi d’Espagne y a le premier mis le pied en 1492, faisant de cette épopée l’une des plus gigantesques de l’Histoire maritime mondiale.
1492, COLOMB et ses hommes débarquent dans des îles, Cuba notamment, mais pas à proprement parler sur le continent américain. Pour cet exploit, il faut attendre 1498 et l’arrivée de COLOMB, encore lui, sur la terre vénézuélienne. Mais d’autres écrits stipulent que dès 1497 le navigateur Amerigo VESPUCCI, italien émigré en Espagne, a foulé le sol du Nouveau Monde, sur ordre du roi du Portugal. La différence notoire de résultats entre ses deux expéditions notoire : alors que COLOMB pensait amerrir aux Indes, VESPUCCI était conscient de pénétrer sur un nouveau continent, donc sa découverte s’avère une grande première.
Oui mais voilà : cette date de 1497 figure sur un petit livre apparemment de VESPUCCI et imprimé à Saint Dié en France en 1507, largement distribué et même repris un peu partout (les écrits n’étant alors pas protégés par la loi, ce qui va avoir une importance capitale dans l’affaire qui nous préoccupe). Or, cette date pourrait être fausse, il pourrait même se cacher derrière ces seulement 32 pages de VESPUCCI une vaste supercherie. Pourtant, c’est à partir de ce texte que l’Amérique va être nommée ainsi, d’après le prénom de VESPUCCI, Amerigo. « En 1538, Mercator, le roi des cartographes, dessine le continent entier tel que nous le concevons aujourd’hui, c’est-à-dire comme un tout, et inscrit le mot Amérique sur les deux parties, AME sur le nord et RICA sur le sud. Et dès lors, aucun autre mot que celui-là n’aura plus cours ».
VESPUCCI, d’abord adulé, devient aux yeux du public l’usurpateur numéro 1, alors que Christophe COLOMB revient en grâce. VESPUCCI meurt dans l’indifférence quasi générale en 1512.
VESPUCCI affabulateur ou victime ? Manipulateur ou abusé ? C’est ce que va tenter de dénouer l’immense conteur qu’est Stefan ZWEIG, nous rendant VESPUCCI tour à tour géant, puis menteur, puis trompé. Car cet essai est aussi une biographie, certes partielle, de VESPUCCI, incluant ses rapports personnels avec Christophe COLOMB, et là vous pourriez bien tomber de votre chaise. Palpitant de bout en bout, il ne cesse de nous garder en haleine, pour une chute spectaculaire et inattendue. Merveilleux petit bouquin pour réapprendre certains fondements de notre société, salutaire !
(Warren
Bismuth)
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