Ce recueil de 13 nouvelles s’articule autour
d’un thème principal : la famille. Mais pas celle qui grandit dans le
calme, l’écoute, la tolérance et la joie de vivre, plutôt la famille éclatée,
boiteuse, vindicative et violente. Ces nouvelles peuvent former un tout, une
trame romanesque par leurs figures adolescentes très présentes, en souffrance,
un souffrance profonde et souvent provoquée par le père. Dans ces nouvelles,
les pères, même s’ils peuvent être parfois absents (par lâcheté ?) sont
écrasants. Ils font basculer des destins familiaux par leur violence, leurs
addictions, leurs comportements, ou encore leurs phrases, celles qui font
saigner le coeur.
L’ombre du père, obsédante, en parallèle
avec celle de l’abandon de l’autre, de la femme, qu’elle soit mère ou fille. L’abandon
qui provoque les errances, les abus, les dérives, les mauvaises rencontres. Ces
jeunes femmes, encore dans les balbutiements des difficultés de la vie fuient,
aiment mal car elles ont vu le père mal aimer, des pères pathétiques se
détachant de leurs obligations, de leurs devoirs envers leurs enfants qui déjà
d’étiolent et cherchent ailleurs le grand frisson.
Le deuil est au cœur de la réflexion :
le père mort ou invisible. Le deuil d’une vie familiale « normale »,
c’est-à-dire avec l’amour, le respect, l’entraide et la compréhension. Ce deuil
que la mère tente d’expliquer, avec ses mots, parfois maladroits, empreints de
colère ou de résignation.
Et l’adolescence qui doit tout de même se
passer, les premières amours, premiers émois, les premières règles, les
premières désillusions, les premiers abus. N’allez pas croire que toutes les
familles présentées ici soient des cas sociaux ou désignés comme tels :
les riches, les bourgeois possèdent aussi leurs vices, leur folie. « Mon père était fou. Ma mère était géniale.
Elle a fini par perdre la raison, elle aussi. Et moi : j’étais au milieu
d’eux ».
Puis dans ces « gueules cassées »,
deux visages plus familiers surgissent : ceux de deux sosies de Johnny
HALLIDAY.
« Je
ne connais rien aux nuages, alors je murmure : « C’est la pluie qui
dort dedans ». Il me regarde d’un œil curieux, je crois qu’il veut savoir
si la pluie c’est comme les larmes, je dis : « Oui, c’est pareil. Un
nuage doit craquer ». Au-delà des dégradés, plus loin encore que les
traces colorées, un point lumineux attire son attention. C’est probablement
Vénus ou l’étoile du Berger ».
Ces nouvelles intimistes et très personnelles peuvent nous parler par le biais des destins qu’elles dépeignent. Homogènes, elles sont servies par une puissance narrative assez magistrale et déconcertante. Qu’elles se déroulent en Afrique du sud, à Paris ou bien en Normandie (d’ailleurs on se déplace beaucoup dans ces récits), elles secouent les tripes grâce à un style poétique délicat sur la forme et agressif sur le fond. En 2014, Charlotte MONÉGIER avait publié un roman fort aux mêmes éditions Lunatique, « Petite fille », dont certaines situations voire quelques extraits sont repris ici. Charlotte MONÉGIER possède une identité stylistique propre et forte. Ce recueil est sorti chez Lunatique fin 2020, il est à découvrir.
https://www.editions-lunatique.com/
(Warren
Bismuth)
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