Un roman bref, percutant, envahissant,
envoûtant. La narratrice pourrait bien ressembler farouchement à une certaine
FLATEN Isabelle. Elle voit resurgir ses souvenirs propres, depuis l’âge de 3
ans, brinquebalée entre Alsace, région parisienne et Lorraine. Sa mère est
aussi au cœur de ce récit.
Mai 68 passe par là. La mère est engagée
politiquement, libertaire de la vieille école. La narratrice grandit au milieu
des slogans, des revendications, de la lutte des femmes. Elle se métamorphose
en baba-cool, découvre les joints à fumer, les fêtes entre amis jusqu’à pas
d’heure.
La mère toujours. Militante obstinée dans
ses convictions (« Quand Odette, la
gentille voisine, t’apporte des belles soles qu’elle a achetées au marché en
pensant à tes enfants, tu lui claques la porte au nez : ‘hors de question
d’accepter des soles gaullistes !’ »), elle va s’occuper de
femmes en détresse, battues, violentées, abandonnées. D’un côté les femmes, de
l’autre les hommes. Mais là c’est une autre histoire…
Peu à peu la mère perd pied. Tout est en
place pour un mauvais film d’épouvante. Jusqu’où va-t-elle sombrer ?
Dans cette galerie de portraits tantôt
effrayants tantôt touchants voire tout simplement beaux, la figure de la mère
écrase tout, celle de la fille survit, derrière, dans l’ombre. C’est le Je (de
la fille) et Tu (de la mère). Se mutant parfois en Je hais Tu. Le récit est
direct mais pudique, pas d’envolées du trauma profond, mais plutôt la volonté
de comprendre. Un roman tendu, dur, dans lequel il est difficile de reprendre
sa respiration tant les scènes, pourtant sans trémolos ni hémoglobine, sont
violentes, cette violence sourde, sous-jacente, qui pète au visage tout en
touchant au cœur.
Et puis il y a un roman dans le roman, dont je ne vous dévoilerai rien, mais qui pourrait bien être la clé de voûte de cette folie, pointant des secrets de famille, ancrés mais tus sinon abattus dès qu’ils pointent leur nez. Le talent d’Isabelle FLATEN consiste à faire passer tout cela de manière détachée mais pourtant très présente, en sortant avec recul la carte joker de l’humour. Et là, pourtant bouleversés, tour à tour nous rions, nous mourons, nous décompressons. Un roman qui tape fort, qui se parcourt en apnée, qui résonne jusqu’à en être entêtant et obsédant. À lire d’une traite. Sorti tout récemment chez Le Nouvel Attila. Précipitez-vous.
(Warren Bismuth)
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