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dimanche 11 septembre 2022

Robert OLMSTEAD « Le voyage de Robey Childs »

 


À la demande de sa mère Mary, un adolescent de 14 ans, Robey Childs, se met en selle pour aller rejoindre son père, soldat de la guerre de Sécession. Et pourtant « Sa mère comprenait parfaitement qu’elle l’envoyait à la mort, mais elle ne pouvait pas ne pas l’envoyer. Et même s’il revenait vivant, elle ne se pardonnerait jamais d’avoir risqué la vie du fils pour sauver celle du père ».

Robey Childs traverse en partie les Etats-Unis en cette année 1863, vêtu d’une veste réversible, une couleur pour chaque camp adverse. Il fait des rencontres au gré du hasard, certaines bonnes d’autres mauvaises. Robert OLMSTEAD se plaît à décrire les paysages et la vie rurale alors en vigueur dans le pays. Quant au jeune Robey, il est fait prisonnier.

« Le voyage de Robey CHilds » est une épopée guerrière, sanglante, où un jeune homme est tout à coup confronté à l’inexorable : la haine, la mort, homme perdu au milieu des décombres, des cadavres, des gravats, de la terre qui agonise de tout ce sang versé. Roman taiseux dont les dialogues épars sont brefs. Ce roman est aussi un parcours initiatique sur fond de tragédie, un apprentissage brutal du passage à l’âge adulte.

Plus le roman avance, plus Robey fait face à des scènes insoutenables : « Des lambeaux de chair et de tissu restaient accrochés aux os et là où ils étaient entassés, il était difficile de les dénombrer. Il n’avait personne pour le guider à travers ces régions fantomatiques de l’horreur et comme il n’avait que de très vagues notions du nombre d’individus vivant sur terre, il lui sembla à cet instant que la moitié d’entre eux étaient morts et avaient été laissés sans sépulture. Leur odeur était comme un poison frais qui prenait possession du vent pour devenir le vent lui-même ».

OMSTEAD est particulièrement adroit dans les images qui frappent, nombreuses sont les scènes brèves qui pourtant restent en mémoire par leur originalité en partie due aux personnages les animant dans un décor décalé. Ce livre est une complainte pacifiste contre l’absurdité de la guerre. Mais Robey ne se prend-il pas au jeu de massacre ? Ne va-t-il pas devoir tuer pour rester vivant ? Va-t-il revoir son père ? Ce dernier sera-t-il un cadavre de plus dans cette tragédie sans nom ?

OLMSTEAD ne dresse aucune réflexion historique sur la guerre de Sécession, il se contente de dépeindre un jeune homme découvrant la folie humaine, un paysage meurtri par la guerre, car les éléments relatifs à la nature, même s’ils n’entrent pas activement dans l’histoire, sont nombreux et tendent peut-être à apaiser la tension. Sans être un roman de guerre, il est plutôt un constat dressé par les yeux d’un jeune garçon arpentant une terre sur laquelle viennent d’avoir lieu des drames, comme si la providence faisait que Robey ne devait pas participer à la boucherie mais la suivre et la subir inexorablement.

Roman aux accents poétiques, il est de facture simple et le scénario peu élaboré n’en ressort que plus charpenté. Paru en 2014 dans la collection Nature Writing de chez Gallmeister (même s’il est permis de se questionner sur sa présence dans cette collection-là), il se laisse déguster au calme et peut être vu comme un antidote à la barbarie, ici dans une traduction de François HAPPE. Réédité en version poche toujours chez Gallmeister fin 2021.

https://gallmeister.fr/

 (Warren Bismuth)

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