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mercredi 7 septembre 2022

Kateřina ČUPOVA « R.U.R. Le soulèvement des robots »

 


À l’origine une pièce de théâtre choc, visionnaire et révolutionnaire de l’écrivain tchèque Karel ČAPEK en 1920. 2022, adaptation en bande dessinée par la tchèque Kateřina ČUPOVA.

Inutile de revenir sur la célèbre anecdote : lorsque ČAPEK écrit « R.U.R. » (pour Rossum’s Universal Robots »), il invente le mot « robot », « robota » signifiant « travail forcé » en tchèque (en fait c’est plus précisément son frère qui le lui souffle à l’oreille). Il imagine une société futuriste où l’homme, après avoir créé de ses propres mains des machines pouvant travailler à sa place, des outils sophistiqués de forme humaine, devient non seulement dépendant de son invention mais ne la contrôle plus et devient envahi et menacé d’extinction.

Les robots ont si bien été créés sur le modèle de l’humain qu’ils se parent de sentiments et d’émotions : ils veulent conquérir le monde et asservir l’homme son créateur. Texte drôlissime en même temps qu’effrayant, écrit – je le rappelle – près de 30 ans avant « 1984 » d’ORWELL (pourtant considéré comme l’une des bases premières de la science fiction sociétale visionnaire), « R.U.R. » est un exemple de perfection, même pour un lectorat rétif au format théâtral. Derrière ce scénario se cache le monstre du totalitarisme, ČAPEK alerte le monde sur le basculement politique à venir dans un texte d’une profonde intelligence et d’une immense inventivité.

Kateřina ČUPOVA s’empare du sujet pour un roman graphique qui reste dans l’esprit de la pièce : drôle, engagé, il n’est certes plus possible de lancer une alerte sur un fait majeur datant d’il y a un siècle, mais ce fait, elle le transmet, à la manière de son lointain compatriote, elle montre que ce texte est d’une implacable lucidité en même temps que d’une troublante actualité, la bête non seulement bouge encore mais reprend du service et même le pouvoir ici et là.

Les dessins peuvent rebuter au premier abord : couleurs chaleureuses sur fond simpliste, un peu enfantin, peu détaillé, avec peu d’expressions de visages notamment. Mais une fois ce fond domestiqué, les bulles puissantes nous rappellent parfaitement cette pièce indispensable, en ravive le message : rendre une société aseptisée, créer des robots esclaves pour libérer l’homme, qui pourtant devient à son tour esclave de son invention (ça a quand même tendance à nous rappeler de nombreuses situations de notre société actuelle). Désirer un perfectionnement par étapes, jusqu’à la folie, la prise d’un pouvoir tout puissant précédant de peu l’anéantissement.

« R.U.R. » est peut-être l’invention de la littérature de science fiction visionnaire, de mise en garde en un message diablement politique. Texte charnière au même titre que « Nous » du russe ZAMIATINE, il préfigure la société en gestation avec une remarquable acuité. Il ne peut être passé sous silence.

BD épaisse – plus de 200 pages – qui se lit à la fois tranquillement et en s’interrogeant sur le message qu’elle renferme, celui de Karel ČAPEK, humain parmi les humains, combattant l’autoritarisme jusqu’à son dernier souffle. Roman graphique conseillé pour les générations futures, au même titre que le texte original, pour éveiller les consciences, facile d’accès de par son universalité et son intemporalité. Cette BD vient de sortir chez Glénat, elle peut par exemple très bien s’offrir, pour une réflexion poussée en même temps que de l’amusement devant certaines scènes burlesques.

https://www.glenat.com/

(Warren Bismuth)

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