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dimanche 18 septembre 2022

Rick BASS « Le livre de Yaak »

 


Dans ce livre de 1996 sous-titré « Chronique du Montana » (2007 pour la traduction française), Rick BASS revient sur sa passion pour la vallée du Yaak tout en incorporant des éléments autobiographiques servant à comprendre cette tendresse infinie pour ce lieu rude et magique à la fois.

Dans les années 80, à 29 ans, l’auteur, accompagné de sa petite famille, décide de jeter son dévolu et de tracer son avenir sur cette vallée située au nord-ouest du Montana. Il abandonne son métier de géologue dans le Mississipi pour tenter la Grande Aventure.

Dans cet ouvrage, BASS dépeint la vallée de main de maître, avec des mots simples mais accrocheurs. Le Yaak souffre et BASS souffre avec lui, comme pour un ami proche menacé. Il fait part de la faune, riche en ce lieu : grizzlys (BASS leur a par ailleurs consacré un ouvrage, « les derniers grizzlys »), coyotes, cerfs vivent là, pas toujours en pleine sérénité, avec l’homme pour prédateur principal.

L’un des dangers imminents, enfant du capitalisme à outrance, est la déforestation. En connaisseur, BASS insiste sur ses méfaits, immédiats comme à plus long terme, méfaits qui pourraient entraîner tout simplement la mort de cette vallée. Il évoque les arbres et la relation presque charnelle qu’il entretient avec eux. Eux aussi courent à leur perte si l’on ne stoppe pas le massacre. Conscient pourtant qu’il faut abattre des arbres pour les besoins humains ainsi que pour une meilleure protection de l’écosystème (un mot qui lui tient particulièrement à cœur), il se dresse vivement contre les nombreux abus servant à monnayer une matière première et à raser des territoires entiers.

Une saison est particulièrement rigoureuse dans la vallée, et c’est bien sûr l’hiver : froid et intense. Si les routes ont fait leur apparition de manière diffuse au cours des décennies, les dernières années ont vu une intensification de la présence du bitume, piétinant par ailleurs les espaces sauvages. Ici, pas de téléphone, pas ou peu d’électricité (au moment où BASS écrit ces lignes, la situation évolue cependant), un quotidien poussant à jouer l’ermite au cœur des forêts. Le seul moyen de rester en contact avec le monde extérieur est le courrier postal, avec un passage cinq jours par semaine, même au plus froid de l’hiver, dans des conditions difficiles voire spectaculaires.

Rick BASS se permet un conseil afin de se déplacer plus sûrement dans le Yaak : prévoir toujours une tronçonneuse dans son véhicule. Les arbres sont en effet nombreux à s’échouer sur les routes et chemins (symptôme là encore de la déforestation). Malgré tous ces inconvénients, la vie est paisible si tant est que l’on aime la solitude et l’hostilité de la nature. Et puis il y a ces récompenses : BASS revient avec émotion sur une rencontre magique avec un coyote.

Quelques figures locales sont convoquées dans cette Chronique du Montana, notamment celle de la gérante d’une épicerie, lieu de vie où les habitants de la vallée se croisent, se parlent enfin, cette dame servant de maillon à la socialisation vient de décéder, la vallée est en émoi. Et que dire de ces deux masseuses de chevaux qui soulagent les maux des humains, toujours à l’écoute comme deux psychologues aguerries ? Portrait tendre et empli de reconnaissance.

Les incendies, drames devenus fléaux. Si bien sûr les incendies ont existé de tout temps et peuvent à leur manière endurcir, rajeunir et renforcer l’écosystème, leur multiplication et surtout leur ampleur sur les dernières années met la nature à rude épreuve et pourrait là encore la voir disparaître à plus ou moins long terme. L’homme est ici encore le principal coupable de l’étendue des dégâts.

Rick BASS est un militant pour la protection de la nature sauvage. Dans ce récit, il livre ses impressions d’homme révolté par l’accentuation des drames, émanant en partie de la déforestation. Ouvrage écrit avec le cœur et les tripes, passionnant et passionné, il est sorti en 2007 dans la somptueuse et nécessaire collection Nature Writing de chez Gallmeister. Le dernier chapitre de 2007 fut d’ailleurs rajouté pour cette édition. Traduit par Camille FORT-CANTONI, « Le livre de Yaak » fut réédité en poche dans la collection Totem en 2013. Toujours disponible, il est d’une ardente actualité.

https://gallmeister.fr/

 (Warren Bismuth)

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