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mercredi 7 décembre 2022

Nicolas CLÉMENT « Sauf les fleurs »

 


Ce bref roman de 2015 est un coup de poing à l’estomac. Narrant la succession de drames et de mal-être d’une femme entre ses 12 et ses 20 ans, il ne place aucun mot inutile, tout est resserré au possible, comme si chaque phrase devait faire office d’uppercut. Tout est construit au millimètre, la superficialité n’ayant pas sa place.

La narratrice Marthe, entreprend de conter son enfance, sa pré-adolescence dans un hameau paumé situé on ne sait où. Entre les traites des vaches et la violence physique du père, la vie s’écoule, sans espoir, sans rayon de soleil, les tâches répétitives rythment le quotidien, dans une ambiance d’isolement et de peur. Car Marthe et son frère Léonce encaissent, se taisent, jusqu’au jour où une terrible tragédie survient.

Des premiers flirts de Marthe – elle a alors 16 ans – à l’amant d’une mère abandonnée de son mari excepté pour servir de punching-ball, Nicolas CLÉMENT raconte une dérive familiale. Mais la force de ce roman réside dans la dignité de Marthe, dans sa propension à rebondir, à se créer une vie malgré les drames et les atrocités. Elle se prend à traduire ESCHYLE et même à envisager des projets définis, dont l’un, et non des moindres, va être mis à exécution…

En seulement 90 pages, Nicolas CLÉMENT nous porte par son écriture au cordeau, majestueuse, splendidement épurée, forte de pertinentes métaphores. « Puis il dévide sa part enfouie, ma pelote aux aguets pour être tricotée. Il me plaît, je me laisse faire. C’est bon d’être augmentée, une parole à l’endroit, une parole à l’envers ».

Ce texte n’est pas sans rappeler certains titres de la prestigieuse collection Grands fonds de Cheyne éditeur tellement la forme est soignée tout en laissant place à une intrigue sombre et concrète (beaucoup de romans de Grands fonds se dressent d’ailleurs dans un cadre rural). Mais on peut aussi aller lorgner du côté de MAUVIGNIER, pour l’ambiance, pour les rapports familiaux tendus voire épouvantables, pour la difficulté de communiquer, même si là il n’est pas question de longues phrases détaillées ni de digressions. Les images sont fortes, quasi cinématographiques, et les coupes sont franches.

« Sauf les fleurs » est paru en 2015 chez Libretto, il vaut le détour, tant pour la pureté du langage que pour son scénario abouti malgré sa brièveté. Il semble que ce soit l’unique roman publié de l’auteur, et sa version poche (de 2020) est disponible pour une somme modique, avec une somptueuse préface de Valentine GOBY, rien que ça !

https://www.editionslibretto.fr/

 (Warren Bismuth)

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