Suite et fin du diptyque roman graphique consacré à la vie de Nikos KAZANTZAKI, racontée par Allain GLYKOS et illustrée par ANTONIN. Le premier volet publié l’an dernier s’intitulait « Le regard crétois » et survolait les années 1883 à 1919. Ce deuxième tome démarre en 1921 pour s’étendre jusqu’à la mort de l’écrivain crétois en 1957.
KAZANTZAKI a beaucoup voyagé, rencontré beaucoup d’humains afin de s’abreuver des cultures. On le voit en Autriche, en Allemagne, puis en Italie, en Russie, sur le mont Sinaï, en Espagne, plus loin au Japon ou en Chine. KAZANTZAKI visite des monastères, s’imprègne des idées de ses contemporains.
Aux débuts des années 1920 il fait une rencontre décisive : celle de Éleni qui deviendra sa femme et l’influencera dans sa vie et sa carrière. Puis ce sera une autre figure fondamentale du futur monde de KAZANTZAKI qui s’offrira à lui : celle de l’écrivain roumain Panaït ISTRATI, avec lequel il séjournera en U.R.S.S. pour un voyage empli de désillusions.
Il ne serait pas très judicieux de résumer cette BD, elle retrace la vie de l’un des plus grands écrivains du XXe siècle, avec ses exploits, ses échecs, ses doutes, sa foi. KAZANTZAKI, outre les liens immenses qu’il entretient avec ses proches, est fasciné par les figures du CHRIST, de LÉNINE et de BOUDDHA. Il faut ajouter plus tardivement celles des « 3 Albert », magnifiquement contées dans cette BD : SCHWEITZER, EINSTEIN et CAMUS. Avec ce dernier, l’admiration est réciproque. CAMUS déclare que ce n’est pas lui qui aurait dû obtenir le Prix Nobel de Littérature en 1957 mais bien KAZANTZAKI. Les deux hommes ne sont d’ailleurs pas très éloignés idéologiquement.
KAZANTZAKI décide de poser ses valises à Égine en Grèce puis à Antibes en France. Ces deux lieux voient l’accouchement des principaux chefs d’œuvre littéraires du crétois, qui se destine enfin à raconter ce qu’il a vu autour de ce monde qu’il a tant parcouru. Son œuvre ne plaît pas à l’Église grecque qui souhaite l’excommunier. KAZANZAKI est critiqué et ostracisé voire détesté. Parallèlement il rédige durant une bonne partie de sa vie son « Odyssée », qu’il réécrit à maintes reprises. Sur sa tombe sont gravés ces mots : « Je n’espère rien, je ne crains rien, je suis libre ».
Cette BD est captivante car elle réussit à instiller un parfum de Grèce, de révolution, de poésie, d’antiquité, de spiritualité tout ensemble. Le pari est donc largement gagné, d’autant que la mise en scène de ce qui est un dialogue entre le maître KAZANTZAKI et un jeune disciple permet de restituer le contexte. Les dessins chaleureux, d’un modernisme teinté de traditionalisme, dans une mise en page qui elle est résolument moderne et profondément dynamique, réunissant couleurs vives et froides. Le livre fait tout de même 180 pages (tout comme le premier volume), c’est dire s’il ne bâcle ni la vie, ni les convictions, ni la carrière de Nikos KAZANTZAKI. Ce diptyque est un moyen parfait de découvrir le parcours du grand KAZANTZAKI, de le transmettre avec des moyens actuels aux jeunes générations. Ce second tome vient de sortir chez Cambourakis, il est beau, séduisant, ample et passionnant. Et son but ultime : il donne envie de se replonger dans l’œuvre du crétois (et accessoirement dans celles de CAMUS et ISTRATI, mais là nous touchons à de la gourmandise absolue).
(Warren Bismuth)
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