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mercredi 25 janvier 2023

Russell BANKS « L’ange sur le toit »

 


L’écrivain Russell BANKS nous a quittés le 7 janvier 2023, un dimanche, sans bruit, sans effusion, discrètement, comme le fut son œuvre faite de seulement 14 romans (pas tous traduits d’ailleurs) sur près de 50 ans de carrière. Des Livres Rances a tenu à rendre hommage à ce géant des lettres par le biais d’un recueil de nouvelles.

Russell BANKS a écrit seulement 6 recueils de nouvelles. « L’ange sur le toit » s’inscrit dans la pure tradition de l’auteur, avec les thèmes de la famille, de l’échec personnel malgré parfois une réussite professionnelle, parcours de ces couples naufragés, de ces familles recomposées, cette violence interne, cet attrait pour l’alcool et la fuite en avant.

Si le premier texte se déroule au Katanga en Afrique, tous les autres se situent aux Etats-Unis, souvent dans le Massachusetts qui a vu naître l’auteur. BANKS scrute de l’intérieur le système patriarcal, éculé, de la société américaine, avec ses drames, ses mensonges, ses non dits, mettant mal à l’aise dans une lecture où aucune poche d’air non vicié n’est inhalable.

Un homme dont la femme est partie voir si l’herbe était plus verte ailleurs perd sa fille pour les mêmes raisons, telle est la trame de « Moments privilégiés ». Suivent d’autres tragédies, entre ruptures familiales, divorces, hypocrisie, alcoolisme, refus de la réalité. Neuf histoires intimistes, cruelles mais tellement réalistes amorcées par une écriture froide, distante, comme lavée de toute émotivité, tout en restant résolument descriptive et précise.

BANKS joue sur les faux-semblants dès l’introduction du recueil, une préface où il se raconte, où précisément il raconte ses parents, ses racines, mais prévient : « … nous échangeons des histoires en priant que cet ange sur le toit les transforme au cours de la narration, qu’elles deviennent crédibles et parlent de nous tous, qui que nous soyons les uns pour les autres ». Vraies ? Peut-être pas. Mais crédibles, c’est indéniable ! Aussi BANKS déroule ses scénettes dans un souci de réalisme, avec une attention particulière pour les détails insignifiants, avant que l’objectif se braque à nouveau sur les protagonistes.

L’œuvre de Russell BANKS parcourt la seconde partie du XXe siècle aux Etats-Unis, elle couvre aussi une infime surface de la première du siècle en cours, elle analyse sans juger, elle se fait psychologique, cherche toujours à mettre un mot sur une situation, l’auteur usant de son expérience personnelle et ses propres drames pour décortiquer la société civile de son pays et l’histoire nationale.

Russell BANKS va cruellement manquer au paysage littéraire. On se souviendra avec émoi des lectures prenantes, instructives aux personnages marquants. Je pense à « Pourfendeur de nuages » ou au portrait troublant de Hannah et son histoire au Liberia dans « American darling » sans oublier le couple meurtri dans « De beaux lendemains ». « L’ange sur le toit » me paraît être le livre idéal si vous ne vous êtes jamais plongé dans l’oeuvre de BANKS, il en énumère tous les thèmes majeurs, il montre précisément le travail d’écriture de l’auteur, il restitue parfaitement l’atmosphère spongieuse des textes de Russell BANKS. Il était sorti en 2002, traduit par Pierre FURLAN.

 (Warren Bismuth)

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