Isabelle FLATEN est sacrément gonflée ! Forte de sa douzaine de romans derrière elle, elle s’attaque avec sa seule plume – mais aussi avec tout le talent qu’on lui connaît - à un monstre sacré de la littérature française : Madame Bovary. Ou plutôt, comme FLAUBERT a déjà fait le boulot, Isabelle FLATEN va s’occuper du mari, Charles, et dresser son portrait. Pas moins.
On se souvient de « Madame Bovary », le chef d’œuvre de 1857 de FLAUBERT, beaucoup de nous connaissent le destin de cette femme mal mariée. Mais peu sont capables d’épiloguer sur son époux, c’est ce que propose ici Isabelle FLATEN.
Charles Bovary est encore un jeune médecin lorsqu’il est marié, un peu de force par sa mère, à l’étiolée Héloïse, vingt ans de plus que lui, acariâtre et pas vraiment faite pour assurer l’ambiance dans les soirées mondaines. L’idylle est brève, décor campagnard, Héloïse lève les bottines, au grand dam de maman Charles mais au grand soulagement de ce dernier qui vient de rencontrer Emma, une jeune femme qui a perdu sa mère deux ans plus tôt. Charles ne parvient pas à regretter Héloïse. Bien au contraire, il choie Emma, la dorlote, mais pour combien de temps ? Le mariage est en vue, une grossesse peut-être, alors que Emma ne souhaite pas d’enfants…
« Pourquoi certains affrontent leurs erreurs les yeux dans les yeux, prêts à s’amender sans se soucier d’y laisser des plumes, tandis que d’autres se voilent la face, miment le sommeil, s’abritent derrière le mensonge pour tenter d’endormir leur mauvaise conscience ? Un piètre refuge en vérité ».
Isabelle FLATEN met le paquet, sortant la poudre à faire ricaner, car son récit original est d’une grande drôlerie, d’une jubilation certaine. Son lectorat – brièvement - inquiet se dit à chaque page qu’elle va quitter la piste, déraper dans cet exercice périlleux qui consiste à écrire la biographie d’un personnage célèbre de la littérature. Il n'en est rien. Choisissant des extraits (peu, quelle sage décision) du roman de FLAUBERT, elle les commente, les développe, imagine la suite.
L’écrivaine est une plume singulière du paysage littéraire français, par son style qui a bien digéré la littérature classique française du XIXe siècle, avec ses envolées drolatiques à la Jean TEULÉ avant que ce dernier ne s’auto-parodie dans des derniers ouvrages fort dispensables. Les dialogues intégrés dans la narration lui donne plus de souffle, plus d’homogénéité, de cohésion.
« Un honnête homme » n’est pas une réécriture de « Madame Bovary », c’est une réappropriation de son mari, une mise en lumière, un devoir de rétablir la fictionnelle vérité. Charles n’est pas celui que l’on croit, et Isabelle FLATEN lui rend ici ses lettres de noblesse. Elle fait revivre le naufrage d’un couple, cette histoire vieille de plus d’un siècle et demi, un peu d’ailleurs à la manière d’un BALZAC (mais sans son conservatisme je vous rassure), détaillant l’environnement, les vêtements, le décor et tant d’autres. Par son style, elle ne cherche pas à singer FLAUBERT, si bien qu’une fois le roman refermé, on ne sait pas ce qu’elle a bien pu penser du géniteur de « Madame Bovary ». Rien ni personne n’est encensé, sauf peut-être le bon Charles, puisqu’il est au cœur du drame, drame que Isabelle FLATEN rend presque léger par ses tournures de phrases, ses expressions, ses descriptions, ses « mouches dans le lait », sa malice toujours faussement naïve.
Il n’est pas nécessaire d’avoir lu le chef d’œuvre de FLAUBERT pour se lancer dans « Un honnête homme », il n’en est ni une suite ni une copie conforme, il conte tout simplement une histoire différente, en tout cas une trame vue sous un prisme singulier, éloigné du texte de FLAUBERT. Notre honte ? Pouvoir rire du malheur des autres, Isabelle FLATEN en est la seule coupable, qu’elle se dénonce !
« Un honnête homme » vient de sortir chez Anne Carrière, il est à lire, à offrir, à cajoler.
(Warren Bismuth)
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