Ce sont bien deux pièces de théâtre syrien qui paraissent dans ce volume. La première, écrite entre 2016 et 2019, relate les difficultés d’adaptation voire tout simplement de survie dans un pays constamment en guerre. L’action se déroule à Damas en 2011. Une jeune fille a pris des photos durant une manifestation puis relayé les images sur les réseaux sociaux. Soupçonnée d’être lesbienne, elle est introuvable, seule son ombre qui flotte dans ce récit, ses proches défilent et conversent sur la situation dans le pays, sur le droit à la différence, à la conviction, s’inquiètent du devenir de la jeune femme.
La deuxième pièce, « Braveheart », pourtant sur le même thème, écrite entre 2020 et 2021, est comme son opposée géogrpahique : elle traite d’un problème majeur, l’exil des syriens (dont par ailleurs l’auteur Wael KADOUR, né en 1981, fait partie). Ici deux personnages réfugiés en France échangent des propos, une femme et un homme, la réminiscence de leurs souvenirs avec des images qui fusent. La femme apprend que l’homme qui l’a torturée jadis dans son pays se trouve actuellement dans la même ville qu’elle. Désormais, elle le voit partout, du moins sa silhouette, ses traits, accumule les crises d’angoisse et de panique. Parallèlement elle rédige un livre dans lequel elle souhaiterait mentionner son bourreau, mais n’y parvient pas et finit par écrire sur l’homme avec lequel elle discute, un agent du renseignement.
« À chaque occasion, tu expliquais en cours ce qu’était la Syrie. Parfois, tu voulais absolument leur montrer à quel point c’était un pays fermé, violent, raciste, corrompu et ignorant. D’autres fois, tu te fâchais s’ils disaient quelque chose de négatif et tu leur expliquais qu’on était aussi civilisés et libérés. Le voile par exemple n’était pas imposé à toutes, on buvait de l’alcool et il y avait des noces mixtes hommes-femmes ».
Ses deux pièces se répondent, se font écho, sont complémentaires, un pays en guerre vue d’abord par le prisme de l’intérieur, puis de l’exil, par un couple déraciné sur une nouvelle terre, inconnue. La question de choix sexuel est majeure, tout comme celle de la recherche d’identité, d’une personnalité propre, la recherche d’un nouveau départ, malgré le passé tragique. Elles peuvent être lues comme des témoignages de syriens entre hébétude et volonté d’avenir, entre situation de guerre et recherche d’un monde meilleur. Le livre est présenté par Monica RUOCCO, la première pièce est traduite de l’arabe syrien par Nabil BOUTROS, la deuxième par Simon DUBOIS. Le tout vient de sortir aux éditions L’espace d’un Instant.
https://www.sildav.org/editions-lespace-dun-instant/presentation
(Warren Bismuth)
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