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mardi 7 août 2018

B-TRAVEN « Le gros capitaliste »


B-TRAVEN a eu une vie bien remplie et totalement déconcertante. À l’écart des médias, changeant régulièrement de pseudonyme, cet allemand d’origine ira se réfugier clandestinement et très tôt dans la région du Chiapas au Mexique. Sa vie est un roman à elle seule (et il reste de nombreuses zones d’ombre car B-TRAVEN est l’un des écrivains les plus énigmatiques, les plus mystérieux que la terre ait enfanté) bien que des romans, il en écrira quelques uns. D’ailleurs, il faut bien l’admettre, derrière l’homme engagé, libre, fuyant, recherchant l’anonymat voire la clandestinité, le calme, vivre son anarchisme comme il l’entend, il y a un écrivain moyen.

B-TRAVEN ne possède pas une belle écriture, ce n’est pas non plus un conteur hors pair, ses romans souffrent de longueurs, de lourdeurs, de phrases boiteuses, d’hésitations. Il peut s’avérer ardu de lire un roman de B-TRAVEN tellement le style est tout sauf limpide, l’exception venant peut-être de ce « Trésor de la Sierra Madre » (adapté peu après en film), pamphlet contre le matérialisme et le profit. Souvent B-TRAVEN commence bien ses romans puis se perd en détails, piétine dans la jungle aux côtés de ses personnages, a du mal à développer ses idées pourtant précieuses.

Aujourd’hui il semble y avoir un regain d’intérêts pour cet auteur. En 2007 déjà était parue cette BD de GOLO « B-Traven : portrait d’un anonyme célèbre ». En tout début d’année 2018 sont parus la pièce de théâtre « B-Traven » de Frédéric SONNTAG (Editions Théâtrales) et cette biographie rééditée de Rolf RECKNAGEL « B-Traven romancier et révolutionnaire » chez Libertalia. À propos de ces éditions, si elles préparent un petit volume à paraître qui s’intitulera « Macario », elles ont déjà fait paraître un autre petit bouquin début 2018 (décidément), et c’est précisément l’objet de cette chronique (nous y voilà).

« Le gros capitaliste », tout petit recueil de moins de 40 pages, se divise en quatre parties. La nouvelle « Le gros capitaliste » se lit comme un conte ou une fable et met en scène un artisan mexicain confronté à une demande de gros contrat sur les paniers qu’il fabrique, franche réussite anti-libérale, bien vue ! « Administration indienne et démocratie directe », là aussi sous forme de conte, évoque le comportement à tenir pour un homme du peuple élu dans une démocratie directe par des concitoyens qu’il ne devra pas mépriser tout en se rappelant qu’il peut être révoqué à tout moment. Puis vient dans un style journalistique un court texte dont le titre résume parfaitement le contenu : « L’art des indiens ». La « lettre à Solidaridad Internacional Antifascista » est la réponse que B-TRAVEN adressa aux combattants républicains espagnols après qu’ils lui aient demandé de venir se frotter au fascisme franquiste à leurs côtés en 1938, sa réponse est plutôt originale et ne manque pas de sel. S’ensuivent quelques citations et une postface succincte en guise de biographie expresse.

Ce recueil est franchement excellent, varié, permettant de découvrir diverses facettes de l’auteur, son désir de liberté, de simplicité, loin des foules et des lieux où s’écrit l’Histoire. B-TRAVEN est resté sa vie en marge, acquérant une liberté à peu près totale. Apatride revendiqué, avide de contrôler son destin, fier de n’avoir pas un sou de côté malgré le succès de ses livres. Des livres dont, comme je l’ai plus ou moins écrit plus haut, il n’est pas nécessaire d’avoir tout lu, mais si vous voulez vous faire une idée pas trop déformée de ce que fut B-TRAVEN (mort en 1969), son parcours, ses convictions, ce petit recueil me semble idéal et vous coûtera une bouchée de pain, alors ce serait dommage de passer à côté. C’est sorti aux Éditions Libertalia dont le catalogue est franchement alléchant.


(Warren Bismuth)


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