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mercredi 17 mars 2021

Arelis URIBE « Les bâtardes »

Ces bâtardes-ci résident du côté de Santiago du Chili. Elles sont jeunes, tout juste sorties de l’adolescence, découvrant la vie de femmes chiliennes. Les premiers émois, les premières cuites, les premières sensations lesbiennes ou bisexuelles, les premiers regrets, les premiers scrupules, les premiers remords.

Ces huit nouvelles pouvant presque se lire comme une suite donnant un roman fluide sont celles d’une initiation, les débuts de l’indépendance intime au cœur du Chili de la décennie quatre-vingt-dix, celui qui vient de rejeter la dictature de PINOCHET. De politique il n’en est guère question, même s’il reste palpable que la jeunesse en porte les stigmates. La liberté commence par les fêtes, la boisson, les joints, les flirts souvent foireux.

D’illusions en déceptions, ces jeunes femmes (on pourrait être tenté d’écrire « cette jeune femme » tellement à chaque fois la narratrice ne pourrait être qu’une), traînent déjà un passé mais vont de l’avant.

Un Chili avec ses premiers balbutiements sur Internet, les premiers réseaux sociaux. Alors on est jeunes, on drague, on séduit, on cherche à se faire passer pour qui l’on n’est pas, on tend à optimiser les charmes, gommer les faiblesses, on présente ce qui nous avantage, par pur ego. Et puis rencontres dans la vie réelle et désillusions : il est si facile et hypocrite de bien se « vendre » derrière un écran, mais la réalité est parfois tout autre. On reprend un verre d’alcool.

Ces « bâtardes » sont attachantes car entières, rebelles, féministes, et si elles lâchent parfois la rampe, c’est pour mieux l’agripper ensuite. Arelis URIBE, par ailleurs journaliste, nous emmène dans les dédales de Santiago, nous traîne jusqu’en Bolivie. Au Chili certaines de ces adolescentes jouent les punks, mimétisme de ces jeunes révoltés qu’elles croisent sur les trottoirs. Car oui le punk s’est aussi implanté au Chili et ne compte pas faire de la figuration.

Tous les portraits sont ceux de jeunes femmes faillibles mais pleines d’énergie, qui peuvent enfin crier leur féminisme et leur envie de vivre, malgré un récent passé politique lourd et traumatisant. Ces femmes veulent faire entendre leurs voix, et Arelis URIBE en devient une porte-parole à l’écriture simple et orale qui happe par sa sincérité et sa ténacité. Recueil à lire et à se prêter, traduit par Marianne MILLION et postfacé par Gabriela WIENER, sorti tout récemment chez Quidam éditeur, simple d’accès et qui touche droit au coeur.

https://www.quidamediteur.com/

(Warren Bismuth)


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