Recherche

mercredi 17 mars 2021

Alix PAYEN « C’est la nuit surtout que le combat devient furieux »

 


Alix MILLIET est née en 1842. Parcours de femme française bourgeoise du XIXe siècle. Mariée à Henri PAYEN en 1862, couple engagé. Et puis janvier 1871, les prussiens sont aux portes de Paris, et là Alix commence à raconter, dans des lettres destinées à sa seule famille, ses proches. Le prolétariat gronde, se soulève, s’organise tant bien que mal. Henri est sergent dans un bataillon fédéré. Alix va le rejoindre très précisément le 16 avril au fort d’Issy, en qualité d’ambulancière. Elle va être sur le terrain, non seulement pour témoigner mais agir au nom de la Commune de Paris, cette utopie de 72 jours.

 

Alix PAYEN voit les combats, vit en partie dans les tranchées, près des barricades. Elle relate tout cela dans des notes, des lettres. Mais il n’y a pas que ses propres sentiments retranscrits dans ce livre, puisque figurent des lettres de la mère d’Alix, de sa sœur. Ces témoignages sont précieux car venant du cœur du combat.

 

Cette « Commune en direct » n’a pas souvent été décrite, ce qui donne à ce livre un intérêt tout particulier. Ici, nous pouvons avoir le sentiment que les obus pleuvent alors qu’Alix tient la plume pour raconter. Communards tout d’abord vaillants et têtes brûlées, partant à l’assaut de l’armée versaillaise. Puis la fatigue, l’épuisement même, à cause d’une totale désorganisation, d’une improvisation au quotidien, mais aussi des armes obsolètes.

 

Chaque lettre est une part d’Histoire de la Commune, non vue sous l’angle d’un historien mais d’une activiste. Pourquoi ce témoignage écrit au lendemain de la Commune est resté dans l’ombre ? Alix n’était pas une vraie militante engagée, elle n’appartenait à aucun courant. De plus, elle était issue d’une famille bourgeoise, ce qui ne faisait pas assez rêver dans les chaumières.

 

Les documents ici présentés sont souvent inédits. Michèle AUDIN a eu accès aux archives privées de la famille MILLIET, celle d’Alix. Elle y a pêché des trésors. Mais elle ne s’arrête pas là : elle replace dans le contexte certains écrits, intervient dans le récit pour mieux faire comprendre les enjeux de l’époque. Et cette phrase qui donne à réfléchir sur les témoignages historiques écrits en direct : « La séparation des familles, au moins de celles qui maîtrisent l’écriture, fait le bonheur des historiens ! ». Il est vrai qu’un événement vécu en direct, en tout cas avant l’arrivée de la technologie, pouvait laisser peu de traces à l’instant T.

 

« On nous a fait dire que nous ne serions pas relevés aujourd’hui ; il y a du mécontentement chez quelques hommes ; ils sont réellement rendus de fatigue et contrariés surtout du manque d’ordre qui préside, soit à la distribution des vivres, soit aux durées des factions aux avant-postes ». À ceci s’ajoute un gel du courrier par l’armée versaillaise dans Paris intra-muros, donc les informations passent mal.

 

Sous-titré « Une ambulancière de la Commune, 1871 » ce récit met le doigt sur le militantisme des combattants fouriéristes, des femmes dans une tentative de révolution, du chaos régnant à cause d’une très mauvaise préparation. Mais il y a la foi en un renversement de régime, à la proclamation dune vraie République, il y a la solidarité, la force collective.

 

Ironie de l’histoire, Henri PAYEN, ce mari qu’Alix a suivi sur le champ de bataille, meurt le 29 mai 1871, soit le lendemain de l’écrasement de la Commune. Superbe témoignage édité en 2020 par Libertalia, il montre la Petite Histoire imbriquée dans la Grande, c’est ce qui en fait un document unique.

https://www.editionslibertalia.com/

(Warren Bismuth)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire