Le jeune Célestin DE MEEÛS quitte sa
Belgique natale pour effectuer 12000 km vers l’est, direction « le fuseau continental le plus à l’est »
du côté de Vladivostok. Parcours aller et retour, notes prises. Le terminus de la
terre, à l’est de l’est, près de la Mongolie, de la Chine.
Dans ce récit de voyage à la ponctuation
rare (une seule phrase en 70 pages, mais quelle phrase !), le jeune poète
(né en 1991) arpente les terres russes ancestrales, s’invite chez l’habitant, en
retire une expérience, des images fortes, qu’elles viennent du paysage
grandiose, du mode de vie ou simplement de postures ou gestes anonymes. Elle
peut aussi résulter de l’action de l’homme.
Le voyageur s’arrête dans des hameaux perdus
vivant encore dans un siècle pourtant révolu. Le tour de force de ce texte est
sans doute cette succession d’images, d’idées, d’évocations qui se cimentent à
la précédente, telles une longue chaîne métallique reliée solidement par ses
chaînons, imbriqués sans risque de cassure. L’exercice de style est
éblouissant, le fond ne l’est pas moins, long poème magistral, sensitif, avec
ces statues de LENINE toujours debout, ces perceptions contradictoires entre
incrédulité, émulation et peur(s).
La nature, majestueuse, froide, distante,
ses lacs, ses rivières démesurées, ses fleuves, ses forêts. Les drames :
incendies, inondations, démesurés là aussi. Et puis l’humain, ses
contradictions, son adaptabilité, sa bestialité gardée presque intacte.
Le voyage, cette chaîne qui se referme entre
le premier et le dernier chaînon, bouclant une exploration entre deux territoires,
entre deux mondes distincts, comme posés sur deux planètes différentes. Il m’a
été impossible d’extraire un seul bout de phrase en guise d’exemple, tellement
chaque mot est complémentaire du précédent, du suivant, que tout est comme
figé, à sa place. Oter un mot, c’est faire dégringoler la structure même, c’est
amputer le message, le travail d’écriture, c’est fissurer la fondation.
Paru dans la collection Grise des toujours inspirées éditions Cheyne en fin 2021, ce poème épique vaut que vous vous y attardiez. Quant à la longue préface de Jean-Baptiste PARA, elle est elle-même un ciment, mais placé entre l’œuvre ici présente et d’autres plus anciennes, il pense notamment à Blaise CENDRARS. Bref, un immense texte de chez Cheyne éditeur.
https://www.cheyne-editeur.com/
(Warren
Bismuth)
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