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mercredi 20 avril 2022

Célestin DE MEEÛS « Cavale russe »

 


Le jeune Célestin DE MEEÛS quitte sa Belgique natale pour effectuer 12000 km vers l’est, direction « le fuseau continental le plus à l’est » du côté de Vladivostok. Parcours aller et retour, notes prises. Le terminus de la terre, à l’est de l’est, près de la Mongolie, de la Chine.

 

Dans ce récit de voyage à la ponctuation rare (une seule phrase en 70 pages, mais quelle phrase !), le jeune poète (né en 1991) arpente les terres russes ancestrales, s’invite chez l’habitant, en retire une expérience, des images fortes, qu’elles viennent du paysage grandiose, du mode de vie ou simplement de postures ou gestes anonymes. Elle peut aussi résulter de l’action de l’homme.

 

Le voyageur s’arrête dans des hameaux perdus vivant encore dans un siècle pourtant révolu. Le tour de force de ce texte est sans doute cette succession d’images, d’idées, d’évocations qui se cimentent à la précédente, telles une longue chaîne métallique reliée solidement par ses chaînons, imbriqués sans risque de cassure. L’exercice de style est éblouissant, le fond ne l’est pas moins, long poème magistral, sensitif, avec ces statues de LENINE toujours debout, ces perceptions contradictoires entre incrédulité, émulation et peur(s).

 

La nature, majestueuse, froide, distante, ses lacs, ses rivières démesurées, ses fleuves, ses forêts. Les drames : incendies, inondations, démesurés là aussi. Et puis l’humain, ses contradictions, son adaptabilité, sa bestialité gardée presque intacte.

 

Le voyage, cette chaîne qui se referme entre le premier et le dernier chaînon, bouclant une exploration entre deux territoires, entre deux mondes distincts, comme posés sur deux planètes différentes. Il m’a été impossible d’extraire un seul bout de phrase en guise d’exemple, tellement chaque mot est complémentaire du précédent, du suivant, que tout est comme figé, à sa place. Oter un mot, c’est faire dégringoler la structure même, c’est amputer le message, le travail d’écriture, c’est fissurer la fondation.

 

Paru dans la collection Grise des toujours inspirées éditions Cheyne en fin 2021, ce poème épique vaut que vous vous y attardiez. Quant à la longue préface de Jean-Baptiste PARA, elle est elle-même un ciment, mais placé entre l’œuvre ici présente et d’autres plus anciennes, il pense notamment à Blaise CENDRARS. Bref, un immense texte de chez Cheyne éditeur.

https://www.cheyne-editeur.com/

(Warren Bismuth)

 

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