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mercredi 15 janvier 2025

Alice ZENITER « Édène »

 


Cette pièce de théâtre est (très) librement inspirée du roman « Martin Eden » de Jack London. Édène, jeune femme noire de condition modeste, sauve Ariane, intellectuelle engagée, d’une agression. Dès lors Édène se prend de passion pour la culture, les arts, et la littérature en particulier.

« Ils se ressemblent tous. / C’est impossible de choisir. / Comment on peut savoir qu’un livre est meilleur qu’un autre ? / Celui-là est écrit plus petit – celui-là n’a pas d’image en couverture. / Et les dimensions et le papier ils se ressemblent tous mais pas vraiment et je ne sais pas quoi faire de leurs différences elles indiquent quoi ? / Elles parlent à qui ? ». Car Édène découvre le monde littéraire, mystérieux pour elle.

Un texte attachant, émouvant, attendrissant, dans lequel une transfuge de classe tente de percer, de s’imposer par sa plume. Édène accepte un travail en blanchisserie où elle est témoin du racisme ordinaire. Puis vient le confinement de 2020. Cette pièce insiste sur la place, le rôle de l’écriture, de la culture, sur le ciment qu’elle procure dans une société désenchantée.

Puis vient l’heure de la grève dans la blanchisserie, Édène y aura-t-elle un rôle à jouer ? Parallèlement déferle chez les libraires la « dark romance » et ses préjugés de classes. « Ça veut dire qu’il y a un marché. C’est de la merde. Ce que j’ai fait de bien, de réellement bien, personne n’en veut ». Car cette pièce pose la question de l’écriture comme travail alimentaire, comme passe-temps, et non plus comme art, une homogénéité sous l’influence de spécialistes, de « jurés », qui distribuent les bons points pour une littérature jetable, devenue produit de consommation. Le texte a cependant tendance à se disperser en pourtant peu de pages, évoquant beaucoup de sujets liés à la littérature.

Pour celles et ceux qui tirent leur épingle du jeu se pose le problème de la notoriété, comment la vivre ? Tandis qu’Édène se bat avec ses démons, se questionne sur sa légitimité dans un monde culturel issu de l’élite, de la bourgeoisie, d’autant qu’il semble bien qu’aucun signe ne semble manifeste concernant un chamboulement des mentalités. « J’avais l’impression que tu disais des choses que je pensais mais c’est pas vrai parce que j’arrive jamais à les penser comme ça ».

Peut-être moins féministe que ses précédents ouvrages, il peut cependant être vu comme un vrai chemin du combattant pour les femmes à se faire une renommée dans le monde de la littérature.

« Édène » est une pièce intimiste sur notre rapport à la littérature, sur ses clichés encore bien ancrés. Alice Zeniter parvient à nous poser de bonnes questions, à nous de trouver les bonnes réponses. Texte paru en 2024 chez l’Arche éditeur.

https://www.arche-editeur.com/

 (Warren Bismuth)

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