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mercredi 16 mai 2018

Jacques JOSSE & Georges LE BAYON « Journal d'absence »


Bon, ce sera celui-ci. Mais sachez que l'on aurait pu présenter n'importe quel ouvrage de Jacques JOSSE, qu'on y taperait à peu près les mêmes mots, les mêmes superlatifs avec les mêmes émotions, tant JOSSE est chaque fois égal à lui-même, à chaque livre édité (et il en existe un sacré paquet !). Il ressasse les mêmes histoires, avec les mêmes démons, les mêmes rites, la même atmosphère. Rien que pour cela JOSSE est génial.

C'est toujours très court (là moins de 30 pages), tranchant, poétique, l'écriture est d'une extraordinaire beauté, d'une rare pureté, JOSSE se lit doucement, comme en retrait.

Ici une petite vieille a disparu, on la recherche, la rumeur fait grand bruit : partie pour une vie meilleure, morte (suicidée ? Accident ?), on tire des plans sur la comète. L'ambiance est à la fois banale et unique : Bretagne, crachin, brume, bruine ou brouillard, bars sans âge, piliers de comptoirs taiseux, clope au bec, ballon de pinard vissé sur le zinc. Les cimetières prennent de la place. Beaucoup. Puis les morts, hantant les vivants. Parmi les morts les suicidés trônent sur une place de choix. Ambiance unique car les mots de JOSSE se tissent magistralement entre eux.

C'est BRASSENS qui prend un verre ou deux de l'amitié avec Jacques CHESSEX dans un bar peuplé de marins qui fument comme des centrales et torchent comme des outres. Les mots sont justes, posés là car ils n'auraient pas pu être posés ailleurs. Ils sont un tout, une toile humide expliquée avec soin, poésie, sans détresse, sans sortir les violons.

Au milieu de ce tableau figé, une image moins obsolète : l'éternel punk breton avec sa bouteille d'alcool et son chien fidèle. Et puis brusque rappel : nous sommes en 2004, Madrid vient d'être touché par des attentats.

JOSSE c'est tout ça à la fois, l'intime, le climat des bistrots de quartiers d'après-guerres, le temps qui passe doucement mais sûrement, notamment sur la tronche du pinardier en chef, la tragédie entière dans son nez couperosé, c'est tout simplement magique, on ne lit pas JOSSE comme on lit n'importe quel autre auteur, on le savoure à la vitesse de l'escargot afin de bien peser chaque mot, de fermer les yeux et de se dessiner le décor dans la tête.

JOSSE n'est publié que par des petits éditeurs qui tous mettent un point d'honneur à sortir de beaux livres avec un papier de grande qualité et une vraie identité. C'est encore ici le cas avec les dessins abrupts en noir et blanc de Georges LE BAYON intercalés dans le récit que JOSSE semble avoir écrit pour exorciser la mort d'une proche. Son âme à elle est sans doute encore en train de lui murmurer à son oreille à lui que tout va bien et qu'elle reprendrait bien un peu de chouchen de derrière les fagots.

Récit écrit en 2004 mais sorti qu'en 2010 aux Éditions Apogée (de Rennes). Si vous avez un peu de temps, je vous conseille vivement d'aller faire un tour sur le blog de Jacques JOSSE, sa patte est unique pour chroniquer des bouquins, la plupart sortis chez des micro-éditeurs. Son tout nouveau livre, une biographie de son père intitulée « Débarqué », passera sous les feux de la critique dans les colonnes de DES LIVRES RANCES, alors guettez, et d'ici là prenez du bon temps avec Jacques JOSSE, c'est tout le mal que je vous souhaite.


(Warren Bismuth)

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