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dimanche 8 septembre 2019

Jérôme LAFARGUE « Le temps est à l’orage »


C’est vrai que le temps est l’orage pour Joan Hossepount, son passé douloureux, ses parents et sa sœur morts dans un accident de voiture, sa femme même verdict après son accouchement de Laoline, leur fille commune. Joan s’était engagé au Tchad malgré son éducation plutôt libertaire, pour faire régner l’ordre en tant que tireur d’élite. Mauvais souvenir, son meilleur ami WIll étant resté sur le carreau. « L’Afrique constitue alors le terrain de jeu de l’armée française, où le bataillon d’un régiment peut se retrouver comme force d’appui d’un gouvernement contre les rebelles, quant à eux soutenus par un autre régiment. Au Tchad en particulier. Là où le nôtre se rend régulièrement pour des périodes de plusieurs mois ». Retour dans les Landes, les lacs d’Aurinvia. Il en est le gardien. Il est très proche de la nature, il la ressent peut-être comme sa nouvelle famille étant donné que la vraie est dynamitée. Mais petit retour en arrière si vous le voulez bien.

Joan a eu un ancêtre Guilhem, né à la fin du XVIIIe siècle. Il va retrouver ses mémoires écrits, et va comme se fondre en lui, trouvant troublantes toutes ses similitudes de parcours. Guilhem a souffert, n’était pas au Tchad mais à Austerlitz en 1805, puis impliqué dans une guerre en Espagne quelques années plus tard. Désabusé, se coupant du monde, il fréquentera les luthiers et sera amoureux de la musique, fabriquant un instrument fort étrange : l’épinette.

Joan pense-t-il à une hérédité maudite ? Croit-il que désormais, quoi qu’il entreprenne, il finira dans le mur ? Ou ses proches ? Il n’a plus confiance en l’être humain, il ne lui accorde plus de place dans son coeur. Laoline c’est différent, c’est sa descendance, comme il est celle de Guilhem. Puisqu’il faut s’isoler de l’humain, Joan va jeter son dévolu sur la nature, la protéger malgré elle, coûte que coûte, traquer les assassins de la Terre, ceux qui pulvérisent les écureuils, les petites bêtes ou les arbres, ceux qui font souffrir les animaux, les végétaux, dégueulassent les rivières, les ruisseaux.

C’est sur ce thème que les pages du livre sont les plus fortes, rappelant des auteurs de l’autre côte de l’Atlantique, ceux qui manient le « Nature writing » à la perfection, les écologistes de la plume, les poètes des grands espaces. « Versant nord, la montagne ne venait pas mourir avec langueur au contact des vagues, épuisant ses contreforts au gré d’une douve déclivité. Non, elle s’arrêtait brusquement, puis semblait prolongée par une falaise en contrebas, accrochée comme à la va-vite par des saillies rocheuses et malcommodes qui partaient en à-pic sans coup férir ».

Hymne à l’amour de la nature et contre son saccage par l’humain, c’est aussi celui du désenchantement et de la tendresse, notamment par l’adoption de Petit Chat, ce chaton espiègle qui va mettre Joan sur une piste inespérée. Car Joan se voit définitivement dans l’impasse quand tout bascule pourtant : deux hommes sans scrupules (l’un d’eux au moins est proche des milieux d’extrême droite) ont en projet la construction d’un immense complexe immobilier tout près d’Auvinvia, avec pots-de-vin et tout le toutim. C’en est trop pour Joan qui décide de partir à l’assaut…

On voyage beaucoup dans ce court roman, géographiquement mais aussi dans le temps. Les thèmes : l’hérédité, la guigne, l’amour, l’affection, le militantisme écologiste radical, la nature et l’environnement. Certaines pages sont empreintes de poésie verte et ensoleillée, d’autres bien plus critiques dès qu’il est question de l’être humain. C’est Quidam qui vient de le sortir. Jérôme LAFRAGUE est déjà l’auteur de plusieurs romans, certains primés, ce n’est donc pas un perdreau de l’année qui débarque en cette rentrée littéraire 2019.


(Warren Bismuth)

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