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mardi 21 décembre 2021

Jean ECHENOZ « Les éclairs - Opéra »

 


En 2010, Jean ECHENOZ faisait paraître aux éditions de Minuit une étonnante et pétillante biographie romancée de l’ingénieur Nikola TESLA intitulée « Des éclairs » (chronique ici). En 2021, si son personnage reprend vie, il ne faut pas y voir un copié-collé de l’ouvrage précédent, même si une seule des lettres du titre change. En effet, le travail est ici fort différent de celui de la biographie puisque ECHENOZ a choisi un format plus casse-poire : l’opéra.

Présenté comme un « Drame joyeux en quatre actes », cet opéra théâtral se déroule aux États-Unis à la fin du XIXe siècle. Alors que Thomas EDISON accroît sa notoriété grâce à ses nombreuses inventions dans le domaine de l’électricité, les proches de Gregor (qui ne sera pas baptisé autrement dans ce texte) s’inquiètent et rongent leur frein : leur ami semble bien être à la source d’inventions plus perfectionnées dans le même domaine. Gregor, c’est Nikola TESLA, le créateur dont la réputation fut supplantée par celle d’EDISON.

EDISON est vu comme un être cupide et imbu de sa personne, alors que TESLA, Gregor donc, paraît être un homme tout à son génie, soucieux des conséquences de ses inventions sur le bien-être humain. Bientôt il reçoit le mécénat d’Horace PARKER, homme riche et influent du pays. TESLA est obsédé aussi par le chiffre 3 et ses multiples.

Dans ce texte nous ferons la connaissance avec la journaliste Betty, avec le couple Axelrod dont madame, Ethel, est irrépressiblement attirée par Gregor pour lequel elle va tout mettre en œuvre afin qu’il prenne la lumière. Tandis qu’EDISON peaufine l’invention de la chaise électrique, et l’histoire bascule, à partir de la notion de courants continu ou alternatif…

Jean ECHENOZ brode son texte à la manière artisanale et libre. D’alexandrins en octosyllabes sur fond scientifique, il sait rendre son récit sans aucune contrainte, jonglant entre les obligations et le jmenfoutisme, cette liberté de ton qui caractérise son œuvre, qui la dissocie de toute autre. Il se fout aussi de la morale et de la bienpensance. Exemple avec cette opinion qu’il prête à EDISON alors qu’un repris de justice teste les bons soins de la chaise électrique et que l’outil de mort foire pendant que l’homme souffrant ne se décide pas à défuncter : « Quelle mauvaise volonté de sa part ! C’est ainsi qu’on entrave les progrès de la science. Je comprends pas sa résistance ».

Texte d’opéra de 90 pages, il renferme tout le savoir-faire d’ECHENOZ, avec cet humour décalé quasi britannique qui pourtant se reconnaît entre mille. Sorti récemment chez Minuit, il en est aussi l’une des dernières parutions sous l’étiquette d’éditeur indépendant (en tout cas la dernière pièce de théâtre) puisque Minuit sera racheté par Gallimard à la date fatidique du 1er janvier 2022.

http://www.leseditionsdeminuit.fr/

(Warren Bismuth)

2 commentaires:

  1. Bonsoir, j'ignorais que ce livre était devenu un opéra. J'avais adoré le roman. J'apprécie l'écriture de Jean Echenoz. Bonne soirée.

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    1. Des Livres Rances25 mars 2024 à 14:56

      Ce livre très bref mérite une attention en effet.

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