Cette trilogie de quelque 450 pages est un tour de force, à la fois visuel et historique, un roman graphique d’une grande originalité puisqu’il revient sur le contexte et les événements de la Commune de Paris (18 mars – 28 mai 1871) non par des dessins, mais par des gravures d’époque, nombreuses et magistrales, soigneusement sélectionnées et découpées. Ces gravures, l’auteur les fait parler, y ajoute de la narration, des dialogues et des extraits de livres choisis pour mieux garder l’esprit de la Commune « en direct ».
Deux personnages centraux sont au cœur de l’action : un mystérieux communard, LAVALETTE (on en saura plus à la fin de la série), ainsi que la jeune Victorine (qui deviendra Victorine BROCHER, les éditions Libertalia ont publié ses souvenirs en 2017, chronique ICI, ce sont ces souvenirs ainsi que quelques extraits de textes inédits qui sont reproduits dans cette trilogie) qui erre dans Paris tout en participant activement au combat.
Le premier volume « À la recherche de Lavalette » s’emploie à faire revivre les mois qui précédent l’insurrection, et se referme sur le 18 mars 1871, lorsque la Commune est proclamée. Le deuxième, « Ceux qui n’étaient rien » relate les événements du 19 mars au 9 mai. Le dernier, « Les orphelins de l’histoire » dépeint la chute de la Commune, la semaine sanglante (21/28 mai 1871) ainsi que les séquelles, les jugements et les déportations des rescapés communards.
Cette trilogie est une immense fresque de la Commune de Paris. À chaque fin de volume, l’auteur propose un plan de Paris (d’époque bien sûr) agrémenté des dates majeures. Il n’oublie pas l’évocation des tentatives de Communes précédentes ou se créant simultanément à celle de Paris en province. Dans ces 450 pages, aucun dessin, juste des gravures du XIXe siècle, mais quelles gravures ! Comme quoi il est possible de produire de l’esthétisme en optant pour la récupération, le recyclage d’illustrations, l’idée est plaisante, et le rendu magistral, d’autant que certaines gravures s’étalent sur deux pages.
Les événements sont découpés en chapitres faisant revivre l’épopée, avec ses protagonistes agitateurs, mais aussi ceux qui la condamnèrent (coucou Émile ZOLA !). C’est à la fois un travail d’archiviste, d’historien (du moins de journaliste) et d’esthétisme, de mise en page. Le résultat est là : bluffant, en accord avec les séquences. Il raconte la Commune de Paris, jour après jour, sans la prendre au dépourvu puisqu’il s’attarde sur les mois qui la précédèrent pour mieux rendre compte des circonstances.
Cette trilogie est parue entre 2018 et 2019 chez Delcourt. La Commune a très exactement 152 ans lorsque j’écris ces lignes, et en ces temps troublés dans le pays de France, il fallait rappeler par le biais de cette chronique que des solutions sont possibles, le peuple est capable du meilleur comme du pire, et ce meilleur est ici mis en lumière dans les pages somptueuses de cette série graphique.
(Warren Bismuth)
Merci pour la découverte : ça a l'air génial ! Ma médiathèque (à laquelle je ne suis plus abonnée, accessoirement) n'en propose qu'une version filmée (j'ai vu un extrait, ça a de la gueule même si je suis plus attachée à la lecture) ; peut-être l'occasion d'inciter ma mère à se réabonner (pour pouvoir utiliser son compte ;p) et voir le film dans un premier temps.
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