Mon dieu que le temps passe vite ! Fin de partie pour la saison 3 du challenge « Les Classiques c’est fantastique » avec toujours aux manettes les très talentueux blogs Au milieu des livres et Mes pages versicolores que je m’empresse de remercier pour leurs choix et leur travail au cordeau. Pour ce dernier mois (mais attention une saison 4 se profile !), il nous a fallu bûcher d’arrache-pied ( ???) sur le thème de la littérature victorienne. M’est alors revenu en mémoire – c’est le cas de le dire – un roman que je désirais relire depuis longtemps : « Mémoires d’un valet de pied » de William THACKERAY.
Si William THACKERAY a connu son heure de gloire, il semble relativement oublié en ce XXIe siècle peu triomphant. Il a cependant écrit, entre autres, le célèbre et efficace « La foire aux vanités », sans oublier « Barry Lyndon » ou « Le livre des snobs ».
De snobs, il en est bien sûr question dans ce roman écrit en 1837, c’est d’ailleurs en quelque sorte la marque de fabrique de l’auteur : scruter ses contemporains aristocrates et les dépeindre avec causticité et sans fioritures. THACKERAY connaît son sujet et ne l’épargne pas.
Charles Yellowplush est né de père inconnu avant de devenir valet. Dans ce roman, c’est lui qui prend la plume afin de raconter son histoire, ses relations avec ses maîtres, eux-mêmes passés au peigne fin par la trépidante écriture de THACKERAY. La structure du roman est assez originale : si les 4 premiers chapitres, par ailleurs très brefs, sont consacrés au poste de Yellowplush chez l’un de ses maîtres, le Lord d’Altamont jusqu’à son départ de la maison, le reste du récit se déroule dans la famille d’un autre maître : Algernon Deuceace.
« Mémoires d’un valet de pied » est l’un de ces romans qu’il est à peu près impossible de résumer, tant il est foisonnant par ses anecdotes contées par le narrateur. Le récit saute de séquences en séquences, toutes plus savoureuses les unes que les autres, sans véritable intrigue, juste une suite de situations burlesques, grotesques, où THACKERAY brandit l’irrévérence comme arme absolue, sans oublier de prendre son lectorat à témoin, lui faisant quelques insistants appels du pied.
La société bourgeoise victorienne en prend pour son grade. Par son porte-parole, THACKERAY égratigne – et bien plus – les élites corrompues et leur amour de l’argent et du pouvoir. Cette farce féroce ne mollit jamais, comme si THACKERAY était particulièrement inspiré par son sujet. La majeure partie du roman se déploie dans le milieu bourgeois parisien, où Yellowplush a suivi son maître afin de le servir. Et les bons mots de fuser comme des mines de coussins péteurs : « Elle avait l’air si froid, qu’on craignait presque de la regarder une seconde fois de peur de s’enrhumer ».
THACKERAY dépeint au vitriol des personnages imbus d’eux-mêmes dans un narcissisme penchant vers la condescendance dans des relations humaines biaisées car uniquement motivées par l’intérêt égoïste. Ceci, Yellowpush en est le témoin direct puisqu’il a acquis la sale habitude d’écouter aux portes et de jeter un œil dans des trous de serrure.
L’amour, très présent dans ce texte, n’est pourtant pas celui de l’image idyllique que peuvent avoir de jeunes tourtereaux. Ici tout est sournoiserie, crocs-en-jambe, coups bas. Car le propre père du Lord Deuceace vient semer la pagaille, désirant une fille que son fils compte bien de son côté épouser. Voici l’intrigue principale d’un roman qui tend à partir dans tous les sens, en tout cas à première vue, car nous réalisons bien vite que son auteur en possède la complète maîtrise, ajoutant le talent au regard cruel.
THACKERAY est un auteur qu’il faut avoir lu. Il caricature avec maestria les snobs de son époque, de la manière la plus polissonne qui soit. Contrairement à ses protagonistes, il ne prend pas de gants et c’est jubilatoire. De plus, ce roman est suffisamment court pour ne pas tomber dans la redite ou provoquer la lassitude, il se lit sans bâillements, il fait mouche par son ton particulièrement caustique. Il réussit même à nous faire apprécier en partie son valet, qui n’a pourtant rien à envier à ses maîtres niveau crapuleries.
Pour finir, le style de l’auteur est ampoulé juste ce qu’il faut pour coller à la société à laquelle il s’attaque, mais il ne se fait jamais balourd de surenchère de mots rares ou de longues phrases prétentieuses. Si THACKERAY vous est inconnu, ce roman est idéal pour pénétrer dans son œuvre, accessible, bref et irrésistiblement drôle.
(Warren
Bismuth)
Si je connais l'auteur de nom, je découvre (rien d'étonnant par ici) ce roman sur lequel tu attires mon attention. Je suis intriguée par le portrait sans concession qu'il semble faire de la haute société !
RépondreSupprimerTout ce que je connais de lui dépeint avec causticité les travers de la haute société britannique.
SupprimerJe ne connais pas du tout (tu arrives toujours à proposer des titres surprenants, merci !). Je te crois sur parole quand tu dis qu'il faut le lire !
RépondreSupprimer"La foire aux vanités" est un chef d'œuvre dans mon souvenir (et accessoirement un pavé).
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