Destination l’outre-Atlantique ce mois-ci pour le challenge « Les classiques c’est fantastique » des blogs Au milieu des livres et Mes pages versicolores avec ce thème : « Littérature afro-américaine ». Après s’être creusé les méninges pour apparaître quelque peu original, Des Livres Rances a sorti ce recueil de poésie de Maya ANGELOU et profite de ce moment pour remercier Moka pour ses superbes visuels accompagnant le challenge.
L’objet est lui-même magnifique : couverture pétillante et édition bilingue pour 32 poèmes d’orientations diverses. Maya ANGELOU (1928-2014) a touché un peu à tout en matière artistique au sein d’une vie de souffrances (violée dès 8 ans par le concubin de sa mère) et est créditée d’une œuvre écrite impressionnante. Ici nous nous arrêtons sur sa facette poétique.
Le recueil « Et pourtant je m’élève » de 1978 est un voyage au cœur des Etats-Unis, un long cri révolté contre l’injustice, une souffrance aiguë de l’amour inaccompli, avec des réflexions en instantané, comme écrites au moment où l’action se déroule. Vers libres, ils le sont en tous points. Maya ANGELOU n’hésite pas à se mettre dans la peau d’un homme, mais plus souvent il est vrai dans celles de femmes, noires et méprisées.
Sa poésie déborde de portraits de la rue, de toxicos en paumés croisés sur un trottoir, en des scénettes typiques de l’errance et de la misère du quotidien. Retour sur le passé personnel, déchirant, une empreinte tatouée profondément en forme de constat, mais aussi point de départ d’une grande force psychologique. La plume s’attarde en Arkansas (où la poétesse a vécu), dépeint la fraternité noire en des figures à la John FORD, marquées par la vie y compris physiquement, des « gueules » dont on se souvient. Dieu s’invite à table, il est en sorte omniprésent quoique discret dans cette poésie de la foi, de la croyance, de l’espérance dans le malheur.
« Il
y a une profonde menace
dans l’Arkansas
De vieux crimes pendants comme
la mousse
sur les peupliers.
La terre maussade
est bien trop
rouge pour le bien-être.
L’aube semble hésiter
et dans la seconde
perdre sa
visée incandescente, et
le crépuscule n’a pas plus
d’ombres
que le midi.
Le passé est encore plus
brillant.
Des vieilles haines et
des dentelles d’avant-guerre,
sont déchirées
mais pas abandonnées.
Aujourd’hui doit encore
advenir
dans l’Arkansas.
Il se tord de douleur. Il se
tord de douleur dans d’atroces
vagues de menace ».
Mais ce qui frappe le plus dans ces vers où la ponctuation est pour le moins utilisée avec parcimonie, c’est leur rythme, leur musicalité. D’ailleurs il y est question de blues dans les chants de coton. Ces poèmes sonnent comme des gospels, des héritages des negro spirituals des esclaves noirs états-uniens, ils sont une plainte en même temps qu’un espoir, se déclament comme des chansons à la voix forte et puissante.
De par sa variété et sa brièveté, ce recueil est digne d’intérêt. Portées par la mélodie imaginée, les poèmes prennent vie sous nos yeux, sont des images musicales entêtantes et méritent que l’on s’y attarde. Recueil paru en 2022 chez Seghers, il peut être vu comme un double album de blues varié sans musique. Cette dernière, c’est à vous de l’inventer.
(Warren
Bismuth)
Encore jamais lu Maya Angelou. Bien envie de lire ses poèmes.
RépondreSupprimerRassemblez-vous en mon nom aurait dû être au programme de mes lectures. J'aime aussi l'idée que tu nous la présentes à travers ce recueil d'une maison que j'aime beaucoup.
RépondreSupprimerRassemblez-vous en mon nom aurait dû être au programme de mes lectures. J'aime aussi l'idée que tu nous la présentes à travers ce recueil d'une maison que j'aime beaucoup.
SupprimerC'est une bien belle proposition de lecture. J'ai lu certains de ses recueils il y a bien longtemps, tu me donnes envie de m'y replonger...
RépondreSupprimerJ'ai également choisi de lire du Maya Angelou. J'ai opté pour Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage. J'adore la plume de cette autrice. Je lirai avec plaisir ses poèmes. Merci pour cette belle chronique!
RépondreSupprimerJ'ai seulement lu "Tant que je serai noire". Il me reste à la découvrir plus largement. ;)
RépondreSupprimerComme souvent, tu te démarques, ici avec ce choix de la poésie ! Il est toujours intéressant de te lire et, même si d'autres chroniques m'ont donné très envie de lire son autobiographie, pourquoi ne pas l'accompagner de quelques poèmes un jour.
RépondreSupprimerD'elle, je n'ai lu que Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage et j'avais été très touchée. Je pense l'être avec ses poèmes.
RépondreSupprimerLe fait que ce soit bilingue m'intéresse particulièrement, cela doit faire resortir la musicalité blues dont tu parles.
RépondreSupprimerUn recueil fait pour moi ! (je viens d'ailleurs de le commander, merci pour la découverte^^)
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