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vendredi 15 juin 2018

Didier DAENINCKX & Willy RONIS « Belleville Ménilmontant »


Un beau livre comme on nomme pareils objets. De la photographie, du texte, du papier glacé de qualité supérieure, du format supérieur lui aussi. Un poids lourd. C'est doublement, triplement, et même plus, de la réédition. À l'origine des photos en noir et blanc de Willy RONIS, une pointure il paraît. Elles datent de la fin des années 40, marquent une époque révolue. Les plus belles se sont retrouvées sur des recueils. C'est tout d'abord sorti en 1954, préface de Pierre MAC ORLAN, puis en 1989, même punition.

C'est sur le tirage de 1999 que DAENINCKX vient mettre son grain de sel, ajouter du texte, une courte nouvelle dans laquelle un homme se reconnaît sur un cliché de RONIS pris dans le quartier parisien de Belleville Ménilmontant et lui écrit qui il est vraiment, égrenant ses souvenirs dans ce quartier. On ne la fait pas à DAENINCKX, car l'air de rien, il rajoute quelques lignes concernant la Commune de Paris (Belleville y a joué un grand rôle), le Front Populaire, les victoires ouvrières. C'est DAENINCKX, il est ainsi, il s'engage, il commémore. Il raconte ces quartiers de Paris, en dresse un inventaire : les commerces, les vieux métiers, etc.

RONIS, disparu en 2009, semble avoir graissé la pâte à DAENINCKX en lui livrant sur un plateau des photos de manifs, d'un Belleville qui conteste. Pain béni pour l'écrivain, DAENINCKX est un pur, un de ces vestiges du passé, un peu comme ces photographies d’antan, marquées d’une période précise.

Au gré des photos, on se balade avec dans le pif cette odeur de vieux charbon, les façades noircies de suie, le goudron à nids de poule intégrés, les gouttières démantibulées, les bagnoles tordues, même chose pour les vieux aidés par une canne, la troisième guibole, la plus solide. La ville de jadis quoi. Les photos sont pleines de reliefs, de perspective, de profondeur, c'est magnifique, une petite flânerie dans les rues du vieux Paris, ça revigore, ça fleure bon le film français réaliste de la même époque, l'entre-deux guerres, l'après guerre, des rues figées, déglinguées, qui semble-t-il ne bougeront jamais et périront de leur belle mort.

Depuis, les travaux ont été énormes, partout, les rues ne ressemblent plus à ça, on a tout dézingué, tout repeint, tout recrépi. Doit-on s'en plaindre, s'en réjouir ? Je pense qu'il faut s'en contenter et constater par le silence, admirer ces photos d'une grande force, lire ces pages d'un DAENINCKX en forme et se laisser porter par le temps. Cette nouvelle réédition vient de sortir en 2018 chez HOËBEKE, n'hésitez pas à la consulter, y mettre votre nez, vous aurez du mal à ne pas vouloir visionner toutes les photos, tout comme vous aurez du mal à ne pas souhaiter connaître la fin de l'histoire contée par DAENINCKX. Un petit voyage dans le temps à un prix raisonnable, et tout ça sans foutre une torgnole à la couche d'ozone, donc on n'hésite pas une seconde, on s'assied et on contemple, le reste peut attendre, rien que la couverture donne envie.

http://www.hoebeke.fr/

(Warren Bismuth)

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