Florence CESTAC aux couleurs et Daniel
PENNAC à la plume pour une histoire d’amour avec un énorme A. Ce destin, raconté
ici en BD, est celui de Germaine et Jean, de leur rencontre à leur séparation par
la mort du second et leurs retrouvailles sous la terre. Un couple atypique,
original, un peu dans la tradition d’un Roméo & Juliette rural et
jmenfoutiste, mais pas dans la déchirure, plutôt pour l’aspect couple qui s’est
formé par miracle, familles dirons-nous de différente extraction sociale,
certes toutes deux dans le vin, mais pas franchement pour les mêmes raisons.
D’un côté la production, de l’autre le goulot à téter.
Germaine et Jean seront follement amoureux
l’un de l’autre durant toute leur vie. Cependant ils prendront la décision de
ne pas avoir d’enfants, de travailler le moins possible, de ne pas se gâcher en
s’épuisant pour un salaire. Quelques passions : la vie, l’oisiveté et la
lecture. On fait pire comme projet de carrière. Toute leur vie va être rythmée
par les livres, ceux qu’on lit (directement stockés à la cave !) à ceux que
l’on regarde simplement pour leur beauté (places de choix dans le salon), que
l’on dorlote, les « collectors », les raretés.
Germaine et Jean, Daniel PENNAC les a
connus, aimés, admirés, enviés sans doute dans ce sud de la France où le soleil
est prétexte à la paresse. Ce couple de l’arrière-pays niçois semble une
référence pour PENNAC. De PROUST aux « Thibault » en passant par
« Don Quichotte », MONTAIGNE ou CÉLINE, c’est par la littérature que
se joue tout le quotidien du couple.
Florence CESTAC (cofondatrice des Éditions
Futuropolis) et sa patte spéciale pour les nez en patate montre Daniel enfant,
avec le frangin Bernard (celui à qui il rendra hommage dans le livre « Mon
frère » présenté en ces pages), eux aussi sorte de couple oisif, un brin
flemmard, tous deux faisant connaissance avec Germaine et Jean. Les dessins
semblent échappés de l’école franco-belge, très colorés. Et bien sûr comme
Monsieur PENNAC est au scénario, on rigole comme des bossus, de tendresse
souvent. On se gondole, d’autant que les hommages à PAGNOL sont certes
disséminés mais franchement présents (la côte d’azur sans doute, l’odeur du
pastis, la proximité des jeux de cartes, le farniente sous le soleil brûlant).
Cet « Amour exemplaire » est
ensuite devenu une pièce de théâtre, et c’est l’adaptatrice Carla BAUER qui en
parle en fin de volume, qui rappelle les poisses, les guignes de la tournée
théâtrale. PENNAC y a joué, il aide toujours ses « enfants » d’une
manière ou d’une autre. C’est grâce à cette adaptation que la BD de 2015 est
aujourd’hui rééditée chez Dargaud (2018), le type même de BD qui apaise, qui
rend heureux et bon, comme tout PENNAC en somme.
(Warren Bismuth)
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