« La
plus précieuse des marchandises » est un conte, comme le
spécifie son sous-titre. 60 pages de « il était une fois »
une histoire vraisemblable. Les contes laissent souvent la part belle
aux ogres, aux sorcières, aux monstres. Pourtant une fin au goût de
lumière (avec un trait de fromage de chèvre) est possible.
Une
forêt comme il en existe des centaines. La guerre. Un bûcheron, une
bûcheronne qui survivent comme ils peuvent. La bûcheronne crève de
ne pas arriver à tomber enceinte, le bûcheron remercie le ciel de
ne pas avoir une bouche supplémentaire à nourrir. Isolés de cette
guerre par leurs arbres, ils en subissent de plein fouet la
difficulté : le froid, la faim, sans cesse, au fond des tripes.
Pour tromper sa douleur, son vide dans le ventre, d’enfant et de
pain, la bûcheronne regarde passer les trains, trains de
marchandises qu’elle imagine emplit de denrées, telle un pays de
cocagne sur rails. Illettrée elle récupère des petits trésors
laissés par les voyageurs, des morceaux de papier jetés du train,
qu’elle ne peut déchiffrer et qu’elle ne fait pas lire à son
mari. Ce sont ses trésors à elle, elle ne veut pas les partager.
Une
famille, comme il en existe des centaines de milliers. Un homme, une
femme, des jumeaux, fille et garçon. Un train de marchandises. 1942,
la naissance des jumeaux malgré les heures sombres. En 1943, Drancy
et le départ dans ce fameux train, vers un ailleurs d’où l’on
ne revient pas.
Le
train de marchandises dans lequel circule la famille oppressée par
l’angoisse et les mauvaises rumeurs qui émanent des autres
passagers entre dans la forêt où la bûcheronne rêve, prie, et
attend son train pour alimenter son corps et son âme.
Une
décision, un regard, le châle, un des nouveau-nés, peu importe
lequel, l’homme ne veut choisir. Empaqueté dans un châle, passé
par les barreaux du train, jeté dans la neige molle, sous les yeux
de la bûcheronne.
C’est
ici que je m’arrêterai. Conte fabuleusement triste et pourtant
plein d’espoir, où les monstres sont parfois bienveillants et les
bûcherons moins bornés que d’ordinaire. Un conte autour d’une
découverte : un organe qui palpite à l’intérieur de la cage
thoracique d’un petit être, un sans-cœur. Un combat à mort pour
repousser l’horreur. Un prince armé d’une hache qui fait
justice, une gueule cassée qui tend une main. Une petite marchandise
si précieuse. Une boucle bouclée.
60
merveilleuses pages à savourer dont on ne ressort pas indemne. Et
tant mieux. Aux éditions du Seuil, nouveauté de la rentrée
littéraire de janvier 2019. A lire d’urgence.
(Emilia
Sancti)
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