Dans le cadre professionnel Pierre TERZIAN
est parti quelques mois au Québec en tant qu’éducateur dans des garderies de la
petite enfance. Ce qu’il y a vu, entendu, ressenti, il le livre dans ce récit.
En de brefs chapitres entrecoupés de paroles
d’enfants, Pierre TERZIAN raconte « son » Québec :
l’accent, la langue, la culture, la gentillesse, la bienveillance (on est loin
de la France), l’humour d’un peuple. Car tout ceci est visible dans son
quotidien au sein de garderies dans lesquelles il travaille avec son statut de
contractuel, bringuebalé d’un lieu à un autre, pour quelques jours, quelques
semaines.
À peine le temps de s’attacher aux gosses - les
contrats sont trop courts -, alors il faut vite en profiter. Et c’est parti
pour des portraits d’enfants, tout en douceur, dépeints avec tendresse, humour,
affection. Ces enfants, il les aime, les bichonne, mais sait se montrer
autoritaire (pas longtemps, le cœur prend vite le dessus). Et puis il y a les
rencontres avec les adultes, que ce soit les personnes salariées avec lesquelles
il va faire un bout de chemin, ou les parents des enfants, parfois un vécu long
comme le bras, l’alcool, le lâcher prise, la déprime.
Mais la lecture de ce récit de vie n’est
nullement un hymne à la noirceur. Pierre TERZIAN tient parfaitement son
lectorat attentif avec sa patte, à la fois simple et très drôle, les anecdotes,
de petites historiettes qui défilent là où on ne les attend pas, les mots des
enfants que l’auteur a pris soin de relever avant de nous les offrir comme un
cadeau précieux, un souvenir made in Québec. Parce que, excusez-moi, mais on se
marre de bon cœur, avec les situations grotesques d’enfants ayant comme on le
disait par chez moi, « le diable dans le cul », paraissent sur piles
inusables et s’avèrent de fait des gamins épuisants.
« Je
ne suis pas pédagogue. Je fais des erreurs. Mes journées sont des suites
d’erreurs. Tout à l’instinct. À l’aveugle. Parfois j’imite les enfants
méchamment et ils pleurent. Parfois je leur parle comme à des adultes et ils
divaguent. Parfois je les ignore, pendant de longues minutes, et ils explosent.
J’apprends à maîtriser les explosions, c’est-à-dire à en minimiser l’impact sur
ma conscience ». Donner, mais ne pas oublier de se protéger.
C’est la tendresse qui tient la plume.
TERZIAN garde ce recul à la fois chaleureux et émouvant malgré parfois les abus
de certains enfants, plus difficiles à tenir, voire carrément hostiles ou ingérables,
mais toujours ces gestes de l’éducateur, qui pourrait être durs, mais la main
retombe, la pensée même de violence ne l’a jamais effleuré. Ici c’est le jeu
qui prend toute la place, tout est axé sur lui, l’éducation comme l’éveil.
« Parfois, je l’avoue : je joue
avec les enfants. Et pourquoi pas ? J’en veux moi aussi, de cette
couillonnade transcendante ». Alors absence de tabous, ça cause de
pipi, de caca, de prouts, de vomi et de crottes de nez, la philosophie des
gosses.
Et puis c’est le Québec quoi ! Donc le
français TERZIAN peut être dépassé, il y a de quoi face à un enfant dont le
prénom est De Niro par exemple. Lui, Pierre, est souvent appelé Patrick. Il se
retrouve à trimer dans des garderies autonomes où les enfants sont rois,
d’autres garderies, dites autochtones. Il fait part de ses sentiments, ses
sensations, sait faire dans l’aphorisme. Ainsi à propos du burn-out « Il est la raison d’être du remplaçant. Comme
la gastro, en plus méchant ».
Les interludes donc : de petites pensées
dites tout haut par un ou des enfants, elles apparaissent pleine page entre
deux chapitres, comme par exemple ce « J’ai
mon doigt dans mes fesses ! Tcha-Tcha-Tcha ! ». Même si
certains enfants sont plus difficiles à canaliser, il y a cette conscience qui
semble en harmonie avec le lieu géographique : « J’en peux plus, je te jure. Pas une embrouille en six mois ! J’ai
pas vu deux personnes s’engueuler dans la rue depuis que je suis ici ! ».
Ce bouquin très accrocheur, sans prétention
aucune, vient de sortir chez Quidam, il est plein d’émotions et de liberté.
« Au
Québec, on dit qu’on a une crotte de nez sur le cœur, quand on est triste. J’espère
avoir laissé une petite crotte de bien-être dans le cœur des enfants ».
Et à la prochaine Patrick !
(Warren
Bismuth)
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