Du théâtre contemporain macédonien pour 11 scénettes percutantes. La plupart sont des face à face, des duos, mais une troisième personne s’immisce parfois dans la conversation. Ces dialogues sont d’ailleurs plutôt des embrouilles, agrémentées d’un langage populaire éructé. Violence de la langue mais aussi des situations.
L’un des personnages d’une de ces courtes scènes se retrouve en général dans la scène suivante, alors que pourtant chaque scène est indépendante de la précédente, mais la présence de ce protagoniste donne une suite logique, comme l’allégorie d’une chaîne. De plus, les deux personnages de la première scène reviennent dans la onzième et dernière, parachevant en quelque sorte une boucle, un peu à l’image de ce serpent qui se mort la queue, mais aussi comme si rien n’avait avancé, rien n’avait évolué dans les mentalités.
Et pourtant, les voyages formant la jeunesse, les actions qu’il est possible de situer géographiquement vont se dérouler dans un train, un autobus, un bateau en partance pour l’Argentine, une action en Amérique. Les décors sont épurés, seuls les états d’âme comptent et ne sont d’ailleurs pas jolis : alcool, abus, violence, désenchantement de tout un peuple. Des envies, des blessures, quelques bribes de conversation sans fil directeur, exceptée la violence des images : « Ah, ces putains de clopes ! Dehors, ce n’est pas la joie, n’est-ce pas ? Ils veulent tous tailler la route. Pas vrai ? Les Balkans, un baril de poudre, hein ? Et ainsi de suite. Pour le dire de façon imagée, le trou du cul du monde. Tu es arrivé à l’endroit que j’ai baptisé l’hémorroïde du cul du monde. Ou alors, pour donner un titre provisoire, un peu saignant, ou plutôt un sous-titre, tu en as plein le cul de moi et de mes semblables. Dans cette perspective, le trou du cul du monde te paraîtra comme Palma de Majorque » et ainsi de suite.
Et puis ce couperet qui tombe. Dernière scène et le retour du duo de la toute première, située quelques dizaines de pages précédentes. « Je ne me souviens de rien. J’ai fait un rêve. Je l’ai oublié à mon réveil. Je me suis réveillé en sueur (…). On dit qu’avant la mort toute la vie défile devant les yeux. Moi, rien. Que le vide. Il n’y a rien. Tout est vain. Pareil qu’au commencement ». Ils ont essayé, échoué, se sont battus au propre comme au figuré, ont souffert. On ne les connaît pas, ils ont juste des prénoms, paraissent jeunes et sont déjà pétris de désillusions.
Théâtre violent, noir, provocateur, langage des rues très approprié aux situations, les dialogues sont des coups de hache dans les frontières, puis l’impression de ce retour à la case départ, de ce « 8 » horizontal effectué pour rien. Pour rien ? Sans doute pas. L’expérience forge l’humain. Pièce de 1993, tout d’abord jouée en France en serbe en 1999, puis en français en 2000. La version écrite de « Baril de poudre » était déjà sortie aux éditions L’Espace d’un Instant en 2007 dans un volume comportant deux autres pièces de Dejan DUKOVSKI. C’est la première fois qu’elle apparaît seule, toujours chez le même éditeur, elle vient tout juste d’être publiée.
http://www.sildav.org/editions-lespace-dun-instant/presentation
(Warren Bismuth)
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